| Nouvelle (j'ai pas encore trouvé le titre...) | |
Bubulle Age : 27 Messages : 3852
| Ven 9 Mar 2012 - 3:42 | |
| Yop, j'ai écrit une nouvelle il y a pas très longtemps (je crois que c'en est une). Et comme j'ai enfin réussi à finir une histoire, je me suis dit: pourquoi pas la poster? La 1ère version: - Spoiler:
Qu’est-ce que la différence ? D’ailleurs, qu’est-ce qu’un monstre ? Parce que j’ai toujours été considéré comme un monstre dans l’endroit où je vis, et pourtant à mes yeux, les autres sont tous des monstres. Ma ville n’a pas de nom, en vérité. Les autres ne s’en rendent pas compte, mais tout est pareil. Tout est gris. Les bâtiments, les rues, les ruines, l’eau qui coule dans les fontaines. Cet affreux gris terne qui contrôle tout. J’ai entendu dire qu’en-dehors de la ville, il y a des couleurs : une étendue d’eau qu’on appellerait océan, des arbres aux couleurs rougeâtres d’automne. Personne n’a d’émotion. Chaque être a toujours le même visage et la même expression qui va avec. Faute d’émotions, ils possèdent tout de même un instinct, et c’est instinctivement qu’ils me repoussent, parce que je peux ressentir les choses. Je peux être heureux, je peux m’émerveiller en contemplant les montagnes à l’horizon, je peux briser le silence qu’ils maintiennent pour se protéger. Je vis seul, tous ces spectres ne veulent pas de moi. Un jour, je décidai de partir, et de quitter cette ville maudite. Ce qui m’attirait par-dessus tout, c’était les nuages. Je ne savais comment y accéder, mais mon cœur se pressait contre ma poitrine torturée pour s’envoler les caresser. C’était étrange que tout soit terne alors que la ville était surplombée par ces flocons cotonneux aux couleurs de pastels. Enfant, je pensais qu’il y avait une échelle de corde qui permettait d’y accéder, qu’on pouvait marcher dessus et qu’il y avait une ville dans les nuages. J’ai continué à en rêver, malgré les fantômes qui me disaient que c’était totalement faux. Mes pensées comme seul refuge. Un soir donc, je me mis en route, je partis vers l’est, vers l’endroit où je pensais découvrir l’océan. J’avais découvert la forêt après avoir traversé la plaine d’asphalte qui entourait la ville. Le paysage que je découvris égalait le plus insensé de mes rêves. Une forêt d’ébène s’élevait. Les troncs d’arbre brillaient dans leur noirceur, entrecoupés de tortueux filaments blancs. Ils étaient droits et lisses, et tout semblait avoir été fait dans l’ordre le plus chaotique possible. La voûte des feuilles rouge et or qui me couvrait donnait à l’intérieur de la forêt une impression de paradis. Chaque rafale de vent emportait toute la voûte dans un tumulte harmonieux, pour aller vers un quelconque paradis ou qui sait, dans la cité des nuages. La voûte repoussait une ou deux minutes plus tard, laissant aux flocons de rêve l’opportunité laisser leur lumière se faire piéger sous la voûte renaissante, la voûte phénix. C’était si beau que je voulais que le vent me prenne et me mêle aux feuilles volantes. J’aurais voulu rester l’éternité ici, mais même l’éternité aurait été trop courte. Pourtant, ma conscience me murmurait qu’il me restait tant d’autres choses à admirer. J’avais l’instinct, et probablement l’imagination qu’il existait une usine qui crachait des rêves depuis sa longue cheminée pour alimenter les nuages. Vous avez déjà remarqué comme en rêve les choses sont toujours plus belles ? Dans mes rêves, du moins, tout est multiplié par mille. Tout est coloré, c’est complètement l’inverse de ma ville. Ça flamboie, brille, ça irradie de bonheur. C’était ce que je vivais, la magnificence de cette forêt me faisait rêver en plein jour. Je savais que les fantômes ne me poursuivraient pas, ils étaient bien trop révulsés par tout ce qui différait de leur affreuse normalité. Pourtant, un jour, j’ai aperçu un homme s’approcher de moi : – Ne prends pas peur ! Je ne suis pas un de ces fantômes, j’ai des émotions, comme toi. Ça se lisait sur son visage creusé par l’âge. Il était vieux, fatigué, mais élégant, et il dégageait un charisme indéniable. Voyant mon silence intrigué, il reprit : – Tu sais, beaucoup de gens sont passés par ici. Beaucoup d’hommes de la ville grises ont révélé avoir des émotions, et ont donc été rejetés. Ils ont tous pris la même décision au fil des âges : partir. Chacun avait sa personnalité : certains ont continué jusqu’au bout du monde, certains se sont émerveillés ici au point de ne plus vouloir bouger et en sont mors d’admiration, d’autres sont retournés sur leurs pas et se sont laissés prendre par la cité berceuse. Ce n’est pas mon cas. J’ai tout visité, tout vu, tout rêvé. On voit sur ton visage que tu continueras, toi aussi. Tout ce que tu as pu imaginer de plus extraordinaire n’égale pas les merveilles de ce monde. Je n’avais pas eu le temps de réfléchir à une réponse qu’il s’en allait déjà dans les entrailles de la forêt d’ébène. J’étais un peu rassuré, de savoir que je n’étais pas le seul homme sensible au monde. Et dans un même temps, parmi ces gens-là, j’étais peut-être un des rares à m’émerveiller devant les beautés les plus insignifiantes. J’avais du mal à croire que certains étaient à peine différents des fantômes. Une rivière coulait à travers la ville grise, et naturellement son eau était grise, elle aussi. En me dirigeant vers le bord de la forêt, j’avais trouvé cette rivière. Hors de la ville, son eau était d’un bleu sans fin, on aurait dit un mélange de toutes les couleurs avec une prédominance de bleu profond. Mon regard se perdait dans l’eau et pensait pouvoir nager jusqu’au bout du monde. Je décidai de longer ce ruisseau des merveilles pour trouver la sortie de la forêt. Et puis, si je me perdais, je mourrais au bord d’un extraordinaire arc-en-ciel bleu. Quand je plongeais mes yeux sur la surface de la rivière, je voyais en reflet des petits flocons de nuages qui s’abattaient en douceur sur la ville grise. C’était magnifique, et cependant ça me rappelait douloureusement que je ne pouvais plus retourner sur mes pas : les fantômes s’assureraient que je ne commette plus d’écarts à leur neutralité. Pour eux, j’étais un monstre à garder caché et à supprimer si possible. Repenser à ça, c’était comme me rappeler que le monde où j’avais toujours vécu me rejetait sans relâche, que je faisais partie d’une minorité diamétralement opposée à l’endroit cauchemardesque où j’étais né et avais grandi. Un soir, je m’endormis à côté de la rivière et je fis un des rêves les plus angoissants de ma vie. J’étais dans une salle au carrelage noir et blanc distordu. Les murs étaient peints en spirale cassée. Il y avait un grand piano à queue au milieu de la salle, noir et blanc lui aussi. Un fantôme y jouait une mélodie pré-apocalyptique. C’était beau et terrifiant. Toutefois, je ne saurais vous dire ce qu’il y avait de si terrifiant. Peut-être que la ville grise provenait de cette salle gothique, de ce mélange de noir et blanc et de ce spectre jouant sa berceuse sur son piano de nuit. En regardant par la fenêtre, on voyait le tissu de la nuit se déchirer, s’effondrer, les petites étoiles tombaient au sol accompagnés de lambeaux de crépuscules. Les harmonies du pianiste s’emballaient, prenant un tour plus violent et plus rageur. À l’instant où la musique prenait son apogée chaotique, je m’éveillai. Mon cœur avait accéléré ses battements de manière exponentielle. Je regardai mon reflet sur la surface de la rivière, et cette fois je n’y voyais qu’un visage soulagé, en paix et serein ; c’était tout le contraire du désordre d’émotions qui m’envahissait en ce moment. C’était difficile de voir la logique dans tout ça. La cohérence avait disparu, et je m’aperçus que cela m’effrayait un peu. Pourtant, personne n’aimait le désordre plus que moi. J’essayai lentement de me calmer. J’arrachai avec force l’enclume qui pesait sur mon âme. Ce mal qui rongeait mes rêves, je le déchirai avec ce que j’avais de force morale. Je repris mon voyage, le cœur battant légèrement de ses ailes dorées. J’avais traversé une clairière dont le sol reflétait la lumière de la lune. Il scintillait admirablement, ce sol de lune. J’avais l’impression de poser le pied sur un éclair lunaire. Une partie de la forêt avait ses arbres rouge et or et leurs feuilles noires. C’était encore plus sublime que la forêt d’ébène. La brise se vantait d’emporter les feuilles au loin. J’enviais tellement le vent, je voulais qu’il m’emporte avec lui. La lueur obscure des étoiles me rappelait combien un monde sans nuance était triste. Un sourire gris n’est pas un sourire. Je n’avais rencontré qu’un seul homme dans ma vie, aussi fus-je très surpris de découvrir un village entier sur le bord de la plage. J’étais sorti de la forêt et j’avais découvert qu’elle bordait le rivage de sa splendeur. Entre la forêt et la plage s’étendait une mince bande de terre, et c’est sur cette mince bande de terre que s’étalait le village. Il ressemblait à la ville grise, mais en moins grand et en plus coloré. Je ne comptais pas m’attarder, mais de toute façon ils n’avaient pas l’air de vouloir m’accueillir. Les gens murmuraient sur mon passage et évitaient mon regard, je le sentais. Les derniers bâtiments masquaient ce que je supposais être l’océan. - Va-t’en. C’était une femme à l’air froid et flegmatique qui m’avait dit cela en désignant une échelle de sa main. Elle avait l’air de grimper jusque dans les nuages. Ça me donnait une lueur d’espoir puisque, visiblement, même parmi les gens comme moi j’étais rejeté. - On t’expliquera tout en haut, me redit la femme à l’air froid et flegmatique. Je quittai donc cette ville côtière peu accueillante. L’échelle était métallique mais souple, et pourvue de petites plates-formes à intervalles réguliers pour que les gens raisonnables se reposent et que les fous admirent la joliesse de l’océan. Et quel océan ! C’était le seul que j’avais vu et verrais jamais, et pourtant j’étais sûr qu’il était le plus beau de tous. Il était… turquoise aux reflets d’opales, pareil à un arc-en-ciel liquide. On apercevait d’énormes poissons faire des bonds à en attraper le soleil – j’appris plus tard que cela s’appelait des cachalots et n’était pas des poissons. L’océan paraissait sans fin : on apercevait une rive d’un côté, et le reste s’étendait à l’infini. Au clair de lune, il devenait argenté et illuminait ma vision. Je continuai d’escalader l’échelle qui me mènerait à ce que je j’espérais être l’endroit de mes rêves. C’était long, et l’échelle n’était pas stable à cause du vent. Je n’avais rien à perdre, mais si je pouvais échapper à la mort, qui me terrifiait, je n’hésiterais pas. C’était difficile et épuisant, mais je finis par atteindre mon but. La première chose qui me frappa fut que marcher sur les nuages était comme poser les pieds sur de douces et épaisses plaques de coton. En regardant en bas, j’aperçus l’océan argenté et semblable à une mer de gouttes de lune. Au-dessus, il y avait un champ d’étoiles dispersées au petit bonheur. Cette splendeur d’une rareté infinie paraissait banale ici. Je ne savais pas comment j’avais pu ne pas remarquer la cité qui s’étendait sous mes yeux : une fois vue, il était impossible d'en détourner les yeux. C’était une réplique de la ville grise dans sa structure, mais les bâtiments n’auraient pas pu être plus différents : colorés au maximum, chaque maison était une palette de couleurs à elle seule. Il n’y avait pas d’herbe, et pourtant les nuages étaient couverts d’une rosée perpétuelle. Le monde que j’avais imaginé en songe était bien froid par rapport à cela. C’était les couleurs éparses qui conféraient leur couleur aux flocons sur lesquels j’avais les pieds. Et les gens ! Ils étaient dans une marée constante d’émotions sans cesse différentes. Heureux ou malheureux, peu m’importait. J’étais dans l’endroit le plus magique au monde. C’était niais et candide mais je ne pouvais m’empêcher de sourire béatement. Un homme aux cheveux bleus – même les cheveux étaient colorés ici -, vint vers moi et m’adressa la parole d’une voix enjouée : - Oh ! Tu viens d’en bas ? Rares sont ceux qui parviennent jusqu’ici, pas à cause d’un danger, seulement parce que la plupart a préféré rester sur la rive. Trop différents pour être acceptés par la ville grise et pas assez rêveurs pour nous comprendre, ils n’ont pas eu d’autre choix que d’être une communauté à part. Cependant, ils ont la présence d’esprit de reconnaître les rêveurs et de les envoyer ici. Ils étaient gentils, dans le fond, ils m’avaient envoyé à ma place. Une idée s’empara soudain de ma tête : et si on découpait des petits morceaux de nuages ? Il n’y avait aucune raison pour que l’effet que je désirais se produise, mais comme il n’y avait aucune raison pour qu’il ne se produise pas, je décidai de tenter ma chance. Le peuple de la cité des nuages avait accepté avant même de leur avoir proposé. On se mit donc à la tâche, découpant de petits morceaux de cotons effilochés. C’était comme tenir une couleur dans sa main, sans aucun support, uniquement la couleur. Isolés du reste, les petits flocons chutaient lentement en tourbillonnant. Quelques jours plus tard, à la lueur de la nuit, nous lâchâmes les flocons de nuage dans les airs surplombant la cité berceuse. Je m’étais confectionné un petit nuage bleu électrique sur lequel je descendrais. Je dis adieu aux habitants de la cité des nuages, non sans une pointe d’amertume et de tristesse et entamai ma descente. Les flocons virevoltaient de leur volonté propre. Je regardai du côté opposé auquel j’étais parti de la ville grise : c’était désert, excepté un petit bâtiment indistinct que je me promis d’aller voir. J’arrivai au sol au matin. Rien n’avait changé dans la ville grise, excepté les morceaux de nuages souillés par les pas des fantômes. Je me maudis intérieurement, j’avais stupidement espéré que la vue de cette chute extraordinaire donne des sentiments aux spectres, mais je m’étais trompé. Il ne subsistait de mon entreprise que ce que j’avais laissé à mon départ, c’est-à-dire cet affreux et cauchemardesque gris terne et leur instinct qui me rejetait. Rester ne servait à rien. L’océan gris faisait face dans une attitude de défi à la mer céleste des étoiles. C’était un combat sans espoir de victoire, et j’avais pourtant été assez niais pour m’y engager. Je partis le cœur lourd. J’avais tout de même la mince espérance de trouver quelque chose à l’ouest. Le bâtiment que j’avais repéré dans ma chute crachait une vapeur de nuage. J’avais trouvé l’usine qui alimentait en rêve les nuages avec sa longue cheminée d’acier. Mon songe le plus fou s’était réalisé. Repensant à l’homme aux cheveux bleus de la cité des nuages et à l’ermite de la forêt d’ébène, je partis vers le bout du monde. Je tournais définitivement le dos à la cité berceuse, qui m’avait rejeté durant toute ma vie et m’élançai vers de nouveaux rêves.
La 2ème version: - Spoiler:
Je marchais dans les ruelles grisâtres et désertes. Les tours de béton, à demi en ruine, m’écrasaient de leur taille immense. Les débris des tours étaient gris, même l’eau du misérable ruisseau qui passait par là était de cet affreux gris terne. Il ne pleuvait pas, mais le ciel au-dessus de la cité était perpétuellement couvert. Au matin, chaque être immonde qui peuplait ce lieu désolé, chaque fantôme se lèverait et ferait ce qu’il avait à faire sans la moindre parcelle de sentiments. Chaque fantôme garderait la même expression morne et indifférente que la veille. Chaque spectre verrait son cerveau vide de toute émotion et nierait tout ce qui différerait de leur normalité affreuse. Cependant, au matin quelque chose changerait : je ne serais plus là. Ils ne remarqueraient pas la différence, mais j’aurais quitté cette ville maudite avant l’aurore. Elle me verrait disparaître, moi, l’unique personne qui avait des sentiments. Ce qui m’attirait par-dessus tout, c’était les nuages. Je n’avais aucune idée de la manière d’y accéder, mais mon cœur se pressait contre ma poitrine torturée quand je plongeais mes yeux dans leur grandeur. C’était étrange que tout soit sans éclat alors que la cité était surplombée par ces flocons cotonneux aux couleurs de pastels. Enfant, je pensais qu’il existait une échelle de corde qui permettait d’accéder aux cieux. J’ai continué à rêver en secret, malgré les regards vides et affreusement rationnels des fantômes. Je me mis en route vers l’est, vers ce que je pensais être l’océan. Peu après avoir traversé l’immense plaine d’asphalte qui encerclait la cité, je découvris la forêt. Des arbres d’ébène s’élevaient jusqu’à des dizaines de mètres, des filaments blancs s’entrelaçaient sur les troncs noirs. Tout semblait avoir été préparé dans l’ordre le plus chaotique possible. Les feuilles rouge et or formaient une voûte qui donnait une lumière céleste à la forêt. Chaque rafale de vent emportait l’entièreté de la voûte dans un tumulte harmonieux, pour aller vers un quelconque paradis ou qui sait, dans la cité des nuages ; quelques instants plus tard, la voûte repoussait et piégeait les quelques flocons de lumières qui passaient par là. J’aurais voulu que le vent me prenne et me mêle aux feuilles planantes. Je serais resté ici pour l’éternité si même celle-ci n’était pas trop courte. Derrière, ma conscience me soufflait qu’il me restait des dizaines d’autres merveilles. Les choses sont toujours plus belles en rêve, dans les miens en tout cas. Tout est coloré, tout flamboie, tout irradie de bonheur. C’était ce que je vivais, la magnificence de cette forêt me plongeait dans mes rêves de jour. Cependant, je sentais que la forêt n’aimait pas être dérangée comme ça. Les merveilles n’aiment pas qu’on les touche. Elle n’appréciait pas le fait que je m’y attarde. Je m’apprêtais à partir, quand un homme apparut. J’avais tout de suite deviné que ce n’était pas un fantôme, cependant il a fallu qu’il me le confirme pour que j’y croie véritablement : - Ne prends pas peur ! Je ne suis pas un spectre, comme toi j’ai des émotions. Ça se lisait sur son visage creusé par l’âge. Il était vieux, sa voix fatiguée, mais élégant, et il dégageait un charisme indéniable – qu’aucun fantôme n’aurait pu posséder. Voyant mon silence curieux, il reprit : - Tu sais, beaucoup de gens sont passés par ici. Beaucoup d’hommes de la ville grise ont révélé avoir des émotions, et ont donc été rejetés. Ils ont tous pris la même décision au fil des âges : partir. Nous sommes tous différents, certains ont continué jusqu’au bout du monde, certains se sont émerveillés ici au point de ne plus vouloir bouger et sont morts d’admiration, d’autres sont retournés sur leurs pas et se sont laissés prendre par la cité berceuse. Ce n’est pas mon cas : j’ai tout visité, tout vu, tout rêvé. Je vois sur ton visage que tu continueras, toi aussi. Tout ce que tu as pu imaginer de plus extraordinaire n’égale pas ce monde. Je n’avais pas eu le temps de répondre qu’il s’en allait déjà dans les entrailles de la forêt d’ébène. J’étais un peu rassuré de savoir que je n’étais pas le seul homme sensible au monde. Et dans un même temps, parmi ces gens-là, j’étais peut-être un des rares à m’ébahir devant les plus insignifiantes beautés. J’avais du mal à croire que certains avaient préféré retourner avec les spectres. Je retrouvai le ruisseau qui coulait dans la ville grise. Dans la forêt, il était devenu une rivière et son eau brillait de mille reflets irisés avec un bleu profond. Mon regard se perdait dans l’eau et ses couleurs chatoyantes. Je décidai de longer ce ruisseau pour trouver la sortie de la forêt. Quand je plongeais mes yeux sur la surface scintillante de la rivière, je voyais comme reflet des flocons de nuages qui tombaient sur la ville grise. C’était magnifique, et pourtant ça me rappelait douloureusement qu’où que je sois, j’étais rejeté par l’endroit de ma naissance. Irrémédiablement. Ça me rappelait que je faisais partie d’une minorité totalement opposée à l’endroit cauchemardesque où j’avais grandi. Un soir, je m’endormis à côté de la rivière et je fis l’un des rêves les plus angoissants de ma vie. J’étais dans une salle au carrelage noir et blanc distordu et irrégulier. Les murs étaient peints en spirale cassée. Un orage grondait au dehors. Un pendule gigantesque trônait dans un coin et lâchait son tic-tac meurtrier. Il y avait un grand piano à queue au centre de la pièce, noir et blanc lui aussi. Un spectre y jouait une mélodie pré-apocalyptique. C’était terrifiant, et pourtant majestueux. Peut-être que la ville grise provenait de cette salle gothique, de ce mélange de noir et blanc et de ce fantôme jouant sa berceuse d’horreur sur son piano de nuit. En regardant par la fenêtre, on voyait le tissu de la nuit se déchirer, s’effondrer, des lambeaux d’étoiles tombaient, accompagnés de morceaux de crépuscule. Les harmoniques du pianiste s’emballaient, prenant un tour plus violent et plus rageur. À l’instant où la musique atteignait l’apogée du chaos, je m’éveillai. Mon cœur avait accéléré ses battements de manière exponentielle. Je regardai mon reflet dans l’eau, et cette fois je n’y vis qu’un visage calme et serein, soulagé et libéré de tout fardeau. C’était tout le contraire de la mixture d’émotions qui m’envahissait en ce moment. Je remarquai alors que la forêt émettait des bruissements de plus en plus forts. Elle tremblait, elle tremblait si fort que des arbres finirent par tomber, des feuilles s’enflammèrent et coulèrent sur la rivière, où étonnamment elles ne s’éteignirent pas. Tout brûlait, tout se détruisait. Je courus. Je courus à m’en déchirer les poumons, mes yeux lâchaient un flot continu de larmes inexpliquées. Je finis par arriver dans une clairière épargnée par l’incendie qui ravageait la forêt d’ébène. La lumière de la lune se réverbérait sur le sol et illuminait d’une manière mystique cette partie de la forêt. Des petits morceaux argentés étaient éparpillés sur le sol, et les toucher les faisaient imploser dans un éclair blanc. J’attendis que l’incendie cesse dans cette cage qui me protégeait. Au matin, tout avait changé : les arbres avaient désormais leur tronc rouge et or, et leurs feuilles étaient noires entrelacées de filaments blancs. Les feuilles ne s’envolaient plus après chaque rafale de vent, elles tenaient tête à la brise. Je l’enviais tellement, elle pouvait aller où elle voulait, emporter ce qu’elle voulait. Elle pouvait aller caresser les nuages et les transporter. Je n’avais rencontré qu’un seul homme dans ma vie, aussi fus-je très surpris de découvrir un village entier sur le bord de la plage. J’étais sorti de la forêt et j’avais découvert qu’elle bordait le rivage. Entre la forêt et la côte s’étendait une mince bande de terre, c’est sur cette mince bande de terre que se trouvait le village. Il ressemblait à la ville grise, en moins grand et en plus coloré. Je ne comptais pas trop m’attarder, mais de toute façon les gens n’avaient pas l’air de vouloir de moi. Ils murmuraient sur mon passage et évitaient mon regard. Les derniers bâtiments masquaient ce que je supposais être l’océan. - Va-t’en. C’était une femme à l’air froid et flegmatique qui m’avait dit cela en désignant une échelle du bout de son doigt. Elle avait l’air de grimper jusque dans les nuages. Ça allumait en moi une lueur d’espoir, puisque visiblement, même parmi les gens comme moi j’étais rejeté. - On t’expliquera tout en haut, me redit la femme à l’air froid et flegmatique. C’est ainsi que se finit mon bref passage dans cette ville côtière peu hospitalière. L’échelle était faite d’un métal inconnu, souple mais solide. Elle était pourvue de petites plates-formes à intervalles réguliers pour que les gens raisonnables se reposent et que les fous admirent la joliesse de l’océan. Et quel océan ! C’était le seul que j’avais vu et verrais jamais, et pourtant j’étais sûr qu’il était le plus beau de tous. L’Astre-Roi se couchait, mais même quand il avait fini sa course, on le voyait qui descendait dans les profondeurs des abîmes, pour que ceux-ci soient éclairés à leur tour. La surface était turquoise aux reflets d’opale. J’aperçus d’énormes créatures faire des bonds de centaines de mètres hors de l’eau et replonger dans un tumulte d’éclaboussures. On voyait une rive, et le reste paraissait infini. Au clair de lune, il devenait argenté, puis c’était au tour de la lune de plonger dans les abysses, et ainsi de suite. Je continuai d’escalader l’échelle qui me mènerait à ce que j’espérais être l’endroit de mes rêves. C’était long, très difficile et épuisant, le vent manqua plusieurs fois de me faire faire une chute fatale, mais je finis par atteindre mon but. La première chose qui me frappa fut que marcher sur les nuages était comme poser les pieds sur de douces et épaisses plaques de cotons. En regardant en bas, j’aperçus l’océan argenté et semblable à mille gouttes de lune. Au-dessus, il y avait un champ d’étoiles rieuses dispersées au petit bonheur. Je ne savais pas comment j’avais pu ne pas remarquer la cité qui s’étendait à mes yeux : une fois vue, il était impossible d'en détourner les yeux. C’était une réplique de la ville grise dans sa structure, et pourtant elle n’aurait pu en être plus éloignée : colorés au maximum, les bâtiments étaient des arc-en-ciel à eux seuls. Il n’y avait pas d’herbe, et pourtant les nuages étaient couverts d’une rosée perpétuelle. Le monde que j’avais imaginé en songe était bien froid par rapport à celui-là. C’était les couleurs éparses qui conféraient leur couleur aux flocons que j’avais sous les pieds. Et les gens ! Ils étaient dans une marée constante d’émotions sans cesse différentes. Heureux ou malheureux, peu m’importait. J’étais dans l’endroit le plus magique du monde. C’était niais et candide mais je ne pouvais m’empêcher de sourire béatement. Un homme aux cheveux bleus vint vers moi et m’adressa la parole d’une voix enjouée : - Oh ! Tu viens d’en bas ? Rares sont ceux qui parviennent jusqu’ici. Pas à cause d’un danger, seulement parce que la plupart a préféré rester sur la rive. Trop différents pour être acceptés par la ville grise et pas assez rêveurs pour nous comprendre, ils n’ont pas eu d’autre choix que de créer une communauté à part. Cependant, ils ont la générosité de reconnaître les rêveurs et de les envoyer ici. Ils étaient gentils, dans le fond, ils m’avaient envoyé à ma place. Une idée s’empara soudain de moi, une idée invraisemblable : et si l’on découpait des petits morceaux de nuages ? Il n’y avait aucune raison pour que l’effet que je désirais se produise, mais comme il n’y avait aucune raison pour qu’il ne se produise pas, je décidai de tenter ma chambre. Le peuple des nuages avait accepté avant même d’avoir entendu ce que j’avais à leur dire. Nous nous mîmes donc à la tâche, découpant de petits morceaux de laine effilochés. C’était comme tenir une couleur dans sa main, à l’état pur, uniquement la couleur. Isolés du reste, les petits flocons chutaient lentement en tourbillonnant. Quelques jours plus tard, à la lueur de la nuit, nous lâchâmes les flocons de nuage dans les airs surplombant la cité berceuse. Je m’étais confectionné un petit nuage bleu électrique sur lequel je descendrais. Je dis adieu aux habitants de la cité des nuages, non sans une pointe d’amertume et de tristesse, et entamai ma descente. Je regardai du côté opposé à celui auquel j’étais parti : c’était désert, excepté un petit bâtiment indistinct que je me promis d’aller voir. J’arrivai au sol au matin. Rien n’avait changé dans la ville grise, sauf les morceaux de nuages souillés par les pas des fantômes. Rien. Je me maudis intérieurement au moins une bonne douzaine de fois, j’avais stupidement et naïvement espéré que la vue de cette chute extraordinaire donne des sentiments aux spectres, mais je m’étais trompé. Il ne subsistait de mon entreprise que ce que j’avais laissé à mon départ, c’est-à-dire cet affreux gris terne et leur instinct qui me rejetait. Rester ne servait à rien. L’océan gris faisait face dans une attitude de défi à la mer céleste des étoiles rieuses. C’était un combat sans espoir de victoire, et j’avais pourtant été assez niais pour m’y engager. Je partis le cœur lourd. J’avais tout de même la mince espérance de trouver quelque chose à l’ouest, vers le bâtiment qui crachait sa fumée à longueur de journée. Repensant à l’homme aux cheveux bleus de la cité des nuages et à l’ermite de la forêt d’ébène, je partis vers le bout du monde. Je tournai définitivement le dos à la cité berceuse, qui m’avait rejeté durant toute ma vie et m’élançai vers de nouveaux rêves. Voili voilou♥
Dernière édition par Bubulle le Jeu 24 Mai 2012 - 8:29, édité 3 fois |
| Étienne. Age : 26 Messages : 4524
| Ven 9 Mar 2012 - 5:27 | |
| Je ne sais pas si l'on peut considéré ce texte en tant que nouvel (personnellement ce n'est pas le nom que je lui donnerais) mais en tous cas, c'est magnifiquement bien écrit! Je ne te dirais jamais assez à quel point ton talent est grand! Continu. |
| Fauve Age : 25 Messages : 1690
| | Vanille Age : 26 Messages : 596
| Dim 11 Mar 2012 - 4:19 | |
| ouah !! vraiment bravo !! j'adore ton style, c'est super bien écrit mais je n'aurais pas appellé ça une nouvelle ! enfin, bon, continue comme ça, vraiment c'est super, particulier mais super ^^ |
| Piotr Piotrvick Age : 22 Messages : 192
| Dim 11 Mar 2012 - 4:29 | |
| J'aime beaucoup. En plus, ça fait un peu "grand écrivain francais" !!! C'est sur que j'arriverai pas à faire mieux ! (c'est pas de l'ironie, c'est vraiment cool !!!)
Continue !!! |
| Hey Age : 25 Messages : 7308
| Ven 16 Mar 2012 - 8:50 | |
| C'est génial et comme le dis mon vdd ça fait un peu grand auteur frnaçais, un peu du genre Baudelaire, Prevert, un truc comme ça. C'estpas une poésie dans le sens ou il n'y a pas de rimes, pas de vers, pas de pieds, mais c'est poetique. En tout cas je pense pas que ce soit une nouvelle, mais je pense que c'est beaucoup mieux!!!! |
Dossier Agent: Léo Medsher Age: 11 ans T-shirt: Gris
| Bubulle Age : 27 Messages : 3852
| Mer 28 Mar 2012 - 6:07 | |
| Je vous remercie à tous, déjà, c'est vraiment sympathique Ensuite, je suis actuellement en train de la retravailler, je vous montrerai la finalisation |
| Kelly Clara Age : 30 Messages : 5662
| Mer 28 Mar 2012 - 7:10 | |
| C'est vrai que ça fait un peu penser à Gaspard de la Nuit ou au poème "Zone" d'Apollinaire... La présence de la ville, le rapport ambigu du poète (oui tu es un poète si c'est la question) dans la ville et dans la réalité, le thème du voyage... bon, j'arrête, mode commentaire de texte *off* J'aime beaucoup, et vivement la prochaine version! |
Dossier Agent: Clara Keller Age: 13 ans T-shirt: Gris
| Hey Age : 25 Messages : 7308
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Dossier Agent: Léo Medsher Age: 11 ans T-shirt: Gris
| Bubulle Age : 27 Messages : 3852
| Lun 21 Mai 2012 - 3:44 | |
| Chers amis, j'ai le grand plaisir de vous annoncer que j'ai enfin terminé la nouvelle version, je la mets donc en spoiler dans mon premier message. |
| Kelly Clara Age : 30 Messages : 5662
| Lun 21 Mai 2012 - 4:14 | |
| C'est trop beau, comme la version précédente... La fin est plus pessimiste, non? C'est vraiment poétique, onirique et émouvant, en tout cas. |
Dossier Agent: Clara Keller Age: 13 ans T-shirt: Gris
| Vanille Age : 26 Messages : 596
| Mer 23 Mai 2012 - 22:14 | |
| J'aime beaucoup la deuxième version, bien qu'elle soit assez différente de la première... Mais Clara a raison, la fin de la deuxième version est assez pessimiste. C'est quand même bien écrit, émouvant et passionnant. Bravo. Vraiment bravo |
| Jack Darmans Age : 29 Messages : 344
| Mer 23 Mai 2012 - 23:52 | |
| Sympathique nouvelle, car je précise pour Etienne qu'il s'agit d'une nouvelle car celle-ci est un récit court. Continue comme ça, attention aux quelques fautes d'orthographes :p |
| Super man Age : 26 Messages : 7607
| Jeu 24 Mai 2012 - 0:04 | |
| Tiens, j'ai pas posté ici pour te dire que ton texte est magnifique moi ? Pourtant je l'ai lu y'a longtemps ! . C'est vraiment génial, j'adore cette idée de partir d'un monde sombre, incolore, et d'en arrivé au même point que ton héro, et voilà c'est trop la classe mec :p |
Dossier Agent: Lucas Fuller Age: 13 ans et 7 mois T-shirt: Gris
| Bubulle Age : 27 Messages : 3852
| | Kelly Clara Age : 30 Messages : 5662
| Jeu 24 Mai 2012 - 8:05 | |
| Celles-là, je suppose... "Je marchais dans les ruelles grisâtres et désertes. Les tours de béton, à demi en ruine, m’écrasaient de leur taille immense. Les débris des tours étaient gris, même l’eau du misérable ruisseau qui passait par là était de cet affreux gris terne. Il ne pleuvait pas, mais le ciel au-dessus de la cité était perpétuellement couvert. Au matin, chaque être immonde qui peuplait ce lieu désolé, chaque fantôme se lèverait et ferait ce qu’il avait à faire sans la moindre parcelle de sentiments (là je suis pas sûre qu'il y a un S, mais j'ai un doute). Chaque fantôme garderait la même expression morne et indifférente que la veille. Chaque spectre verrait son cerveau vide de toute émotion et nierait tout ce qui différerait de leur normalité affreuse. Cependant, au matin quelque chose changerait : je ne serais plus là. Ils ne remarqueraient pas la différence, mais j’aurais quitté cette ville maudite avant l’aurore. Elle me verrait disparaître, moi, l’unique personne qui avait des sentiments. Ce qui m’attirait par-dessus tout, c’était les nuages. Je n’avais aucune idée de la manière d’y accéder, mais mon cœur se pressait contre ma poitrine torturée quand je plongeais mes yeux dans leur grandeur. C’était étrange que tout soit sans éclat alors que la cité était surplombée par ces flocons cotonneux aux couleurs de pastels. Enfant, je pensais qu’il existait une échelle de corde qui permettait d’accéder aux cieux. J’ai continué à rêver en secret, malgré les regards vides et affreusement rationnels des fantômes. Je me mis en route vers l’est, vers ce que je pensais être l’océan. Peu après avoir traversé l’immense plaine d’asphalte qui encerclait la cité, je découvris la forêt. Des arbres d’ébène s’élevaient jusqu’à des dizaines de mètres, des filaments blancs s’entrelaçaient sur les troncs noirs. Tout semblait avoir été préparé dans l’ordre le plus chaotique possible. Les feuilles rouge et or formaient une voûte qui donnait une lumière céleste à la forêt. Chaque rafale de vent emportait l’entièreté de la voûte dans un tumulte harmonieux, pour aller vers un quelconque paradis ou qui sait, dans la cité des nuages ; quelques instants plus tard, la voûte repoussait et piégeait les quelques flocons de lumières (là je suis pas sûre qu'il y a un S à lumière, à moins qu'il y ait plusieurs sources de lumière) qui passaient par là. J’aurais voulu que le vent me prenne et me mêle aux feuilles planantes. Je serais resté ici pour l’éternité si même celle-ci n’était pas trop courte. Derrière, ma conscience me soufflait qu’il me restait des dizaines d’autres merveilles. Les choses sont toujours plus belles en rêve, dans les miens en tout cas. Tout est coloré, tout flamboie, tout irradie de bonheur. C’était ce que je vivais, la magnificence de cette forêt me plongeait dans mes rêves de jour. Cependant, je sentais que la forêt n’aimait pas être dérangée comme ça. Les merveilles n’aiment pas qu’on les touche. Elle n’appréciait pas le fait que je m’y attarde. Je m’apprêtais à partir, quand un homme apparut. J’avais tout de suite deviné que ce n’était pas un fantôme, cependant il a fallu qu’il me le confirme pour que j’y croie véritablement : - Ne prends pas peur ! Je ne suis pas un spectre, comme toi j’ai des émotions. Ça se lisait sur son visage creusé par l’âge. Il était vieux, sa voix fatiguée, mais élégant, et il dégageait un charisme indéniable – qu’aucun fantôme n’aurait pu posséder. Voyant mon silence curieux, il reprit : - Tu sais, beaucoup de gens sont passés par ici. Beaucoup d’hommes de la ville grise ont révélé avoir des émotions, et ont donc été rejetés. Ils ont tous pris la même décision au fil des âges : partir. Nous sommes tous différents, certains ont continué jusqu’au bout du monde, certains se sont émerveillés ici au point de ne plus vouloir bouger et sont morts d’admiration, d’autres sont retournés sur leurs pas et se sont laissés prendre par la cité berceuse. Ce n’est pas mon cas : j’ai tout visité, tout vu, tout rêvé. Je vois sur ton visage que tu continueras, toi aussi. Tout ce que tu as pu imaginer de plus extraordinaire n’égale pas ce monde. Je n’avais pas eu le temps de répondre qu’il s’en allait déjà dans les entrailles de la forêt d’ébène. J’étais un peu rassuré de savoir que je n’étais pas le seul homme sensible au monde. Et dans un même temps, parmi ces gens-là, j’étais peut-être un des rares à m’ébahir devant les plus insignifiantes beautés. J’avais du mal à croire que certains avaient préféré retourner avec les spectres. Je retrouvai le ruisseau qui coulait dans la ville grise. Dans la forêt, il était devenu une rivière et son eau brillait de mille reflets irisés avec un bleu profond. Mon regard se perdait dans l’eau et ses couleurs chatoyantes. Je décidai de longer ce ruisseau pour trouver la sortie de la forêt. Quand je plongeais mes yeux sur la surface scintillante de la rivière, je voyais comme reflet des flocons de nuages qui tombaient sur la ville grise. C’était magnifique, et pourtant ça me rappelait douloureusement qu’où que je sois, j’étais rejeté par l’endroit de ma naissance. Irrémédiablement. Ça me rappelait que je faisais partie d’une minorité totalement opposée à l’endroit cauchemardesque où j’avais grandi. Un soir, je m’endormis à côté de la rivière et je fis l’un des rêves les plus angoissants de ma vie. J’étais dans une salle au carrelage noir et blanc distordu et irrégulier. Les murs étaient peints en spirale cassée. Un orage grondait au dehors. Un pendule gigantesque trônait dans un coin et lâchait son tic-tac meurtrier. Il y avait un grand piano à queue au centre de la pièce, noir et blanc lui aussi. Un spectre y jouait une mélodie pré-apocalyptique. C’était terrifiant, et pourtant majestueux. Peut-être que la ville grise provenait de cette salle gothique, de ce mélange de noir et blanc et de ce fantôme jouant sa berceuse d’horreur sur son piano de nuit. En regardant par la fenêtre, on voyait le tissu de la nuit se déchirer, s’effondrer, des lambeaux d’étoiles tombaient, accompagnés de morceaux de crépuscule. Les harmoniques du pianiste s’emballaient, prenant un tour plus violent et plus rageur. À l’instant où la musique atteignait l’apogée du chaos, je m’éveillai. Mon cœur avait accéléré ses battements de manière exponentielle. Je regardai mon reflet dans l’eau, et cette fois je n’y vis qu’un visage calme et serein, soulagé et libéré de tout fardeau. C’était tout le contraire de la mixture d’émotions qui m’envahissait en ce moment. Je remarquai alors que la forêt émettait des bruissements de plus en plus forts. Elle tremblait, elle tremblait si fort que des arbres finirent par tomber, des feuilles s’enflammèrent et coulèrent sur la rivière, où étonnamment elles ne s’éteignirent pas. Tout brûlait, tout se détruisait. Je courus. Je courus à m’en déchirer les poumons, mes yeux lâchaient un flot continu de larmes inexpliquées. Je finis par arriver dans une clairière épargnée par l’incendie qui ravageait la forêt d’ébène. La lumière de la lune se réverbérait sur le sol et illuminait d’une manière mystique cette partie de la forêt. Des petits morceaux argentés étaient éparpillés sur le sol, et les toucher les faisaient imploser dans un éclair blanc. J’attendis que l’incendie cesse dans cette cage qui me protégeait. Au matin, tout avait changé : les arbres avaient désormais leur tronc rouge et or, et leurs feuilles étaient noires entrelacées de filaments blancs. Les feuilles ne s’envolaient plus après chaque rafale de vent, elles tenaient tête à la brise. Je l’enviais tellement, elle pouvait aller où elle voulait, emporter ce qu’elle voulait. Elle pouvait aller caresser les nuages et les transporter. Je n’avais rencontré qu’un seul homme dans ma vie, aussi fus-je très surpris de découvrir un village entier sur le bord de la plage. J’étais sorti de la forêt et j’avais découvert qu’elle bordait le rivage. Entre la forêt et la côt é (la côte?) s’étendait une mince bande de terre, c’est sur cette mince bande de terre que se trouvait le village. Il ressemblait à la ville grise, en moins grand et en plus coloré. Je ne comptais pas trop m’attarder, mais de toute façon les gens n’avaient pas l’air de vouloir de moi. Ils murmuraient sur mon passage et évitaient mon regard. Les derniers bâtiments masquaient ce que je supposais être l’océan. - Va-t’en. C’était une femme à l’air froid et flegmatique qui m’avait dit cela en désignant une échelle du bout de son doigt. Elle avait l’air de grimper jusque dans les nuages. Ça allumait en moi une lueur d’espoir, puisque visiblement, même parmi les gens comme moi j’étais rejeté. - On t’expliquera tout en haut, me redit la femme à l’air froid et flegmatique. C’est ainsi que se finit mon bref passage dans cette ville côtière peu hospitalière. L’échelle était faite d’un métal inconnu, souple mais solide. Elle était pourvue de petites plates-formes à intervalles réguliers pour que les gens raisonnables se reposent et que les fous admirent la joliesse de l’océan. Et quel océan ! C’était le seul que j’avais vu et verrais jamais, et pourtant j’étais sûr qu’il était le plus beau de tous. L’Astre-Roi se couchait, mais même quand il avait fini sa course, on le voyait qui descendait dans les profondeurs des abîmes, pour que ceux-ci soient éclairés à leur tour. La surface était turquoise aux reflets d’opale. J’aperçus d’énormes créatures faire des bonds de centaines de mètres hors de l’eau et replonger dans un tumulte d’éclaboussures. On voyait une rive, et le reste paraissait infini. Au clair de lune, il devenait argenté, puis c’était au tour de la lune de plonger dans les abysses, et ainsi de suite. Je continuai d’escalader l’échelle qui me mènerait à ce que j’espérais être l’endroit de mes rêves. C’était long, très difficile et épuisant, le vent manqua plusieurs fois de me faire faire une chute fatale, mais je finis par atteindre mon but. La première chose qui me frappa fut que marcher sur les nuages était comme poser les pieds sur de douces et épaisses plaques de cotons. En regardant en bas, j’aperçus l’océan argenté et semblable à mille gouttes de lune. Au-dessus, il y avait un champ d’étoiles rieuses dispersées au petit bonheur. Je ne savais pas comment j’avais pu ne pas remarquer la cité qui s’étendait à mes yeux : une fois vue, je ne pus en détourner les yeux. (là c'est pas de l'orthographe c'est une rupture de construction, le sujet sous-entendu de "une fois vue" est la ville, mais dans la suite, c'est "je"...) C’était une réplique de la ville grise dans sa structure, et pourtant elle n’aurait pu en être plus éloignée : colorés au maximum, les bâtiments étaient des arc-en-ciel à eux seuls. Il n’y avait pas d’herbe, et pourtant les nuages étaient couverts d’une rosée perpétuelle. Le monde que j’avais imaginé en songe était bien froid par rapport à celui-là. C’était les couleurs éparses qui conféraient leur couleur aux flocons que j’avais sous les pieds. Et les gens ! Ils étaient dans une marée constante d’émotions sans cesse différentes. Heureux ou malheureux, peu m’importait. J’étais dans l’endroit le plus magique du monde. C’était niais et candide mais je ne pouvais m’empêcher de sourire béatement. Un homme aux cheveux bleus vint vers moi et m’adressa la parole d’une voix enjouée : - Oh ! Tu viens d’en bas ? Rares sont ceux qui parviennent jusqu’ici. Pas à cause d’un danger, seulement parce que la plupart a (dans mon dico, "la plupart" est suivi du pluriel, mais j'ai pas vérifié dans la grammaire) préféré rester sur la rive. Trop différents pour être acceptés par la ville grise et pas assez rêveurs pour nous comprendre, ils n’ont pas eu d’autre choix que de créer une communauté à part. Cependant, ils ont la générosité de reconnaître les rêveurs et de les envoyer ici. Ils étaient gentils, dans le fond, ils m’avaient envoyé à ma place. Une idée s’empara soudain de moi, une idée invraisemblable : et si l’on découpait des petits morceaux de nuages ? Il n’y avait aucune raison pour que l’effet que je désirais se produise, mais comme il n’y avait aucune raison pour qu’il ne se produise pas, je décidai de tenter ma chambre. Le peuple des nuages avait accepté avant même d’avoir entendu ce que j’avais à leur dire. Nous nous mîmes donc à la tâche, découpant de petits morceaux de laine effilochés. C’était comme tenir une couleur dans sa main, à l’état pur, uniquement la couleur. Isolés du reste, les petits flocons chutaient lentement en tourbillonnant. Quelques jours plus tard, à la lueur de la nuit, nous lâchâmes les flocons de nuage dans les airs surplombant la cité berceuse. Je m’étais confectionné un petit nuage bleu électrique sur lequel je descendrais. Je dis adieu aux habitants de la cité des nuages, non sans une pointe d’amertume et de tristesse, et entamai ma descente. Je regardai du côté opposé à celui auquel j’étais parti : c’était désert, excepté un petit bâtiment indistinct que je me promis d’aller voir. J’arrivai au sol au matin. Rien n’avait changé dans la ville grise, sauf les morceaux de nuages souillés par les pas des fantômes. Rien. Je me maudis intérieurement au moins une bonne douzaine de fois, j’avais stupidement et naïvement espéré que la vue de cette chute extraordinaire donne des sentiments aux spectres, mais je m’étais trompé. Il ne subsistait de mon entreprise que ce que j’avais laissé à mon départ, c’est-à-dire cet affreux gris terne et leur instinct qui me rejetait. Rester ne servait à rien. L’océan gris faisait face dans une attitude de défi à la mer céleste des étoiles rieuses. C’était un combat sans espoir de victoire, et j’avais pourtant été assez niais pour m’y engager. Je partis le cœur lourd. J’avais tout de même la mince espérance de trouver quelque chose à l’ouest, vers le bâtiment qui crachait sa fumée à longueur de journée. Repensant à l’homme aux cheveux bleus de la cité des nuages et à l’ermite de la forêt d’ébène, je partis vers le bout du monde. Je tournai définitivement le dos à la cité berceuse, qui m’avait rejeté durant toute ma vie et m’élançai vers de nouveaux rêves." En fait, y'en avait quasiment pas, ou alors des trucs vraiment résiduels... En gros, tu gères, Bubulle.^^ |
Dossier Agent: Clara Keller Age: 13 ans T-shirt: Gris
| Bubulle Age : 27 Messages : 3852
| Jeu 24 Mai 2012 - 8:28 | |
| Bien vu pour la côte et la rupture de construction, je corrige ça tout de suite !
Le reste, ça me paraît quand même correct, mais je peux me tromper. :p |
| Kelly Clara Age : 30 Messages : 5662
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Dossier Agent: Clara Keller Age: 13 ans T-shirt: Gris
| Jack Darmans Age : 29 Messages : 344
| Jeu 24 Mai 2012 - 17:36 | |
| Je sens que l'on va encore me détester mais bon Évite le "ça me rappelais" et utilise le cela ^^ Mais dans l'ensemble t'as fait du beau boulot ! :p |
| Bubulle Age : 27 Messages : 3852
| Ven 25 Mai 2012 - 4:11 | |
| Ça me rappelait* avec un T Pour le "ça" et pas le "cela", je trouve ça moins formel et artistiquement plus beau, mais c'est mon choix et mon avis, ça n'engage que moi. Merci, encore, et puis voilà |
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