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Kelly Clara Age : 30 Messages : 5662
| Ven 23 Déc 2011 - 6:58 | |
| Rappel du premier message :Cauchemar - Spoiler:
Quand Anna se réveilla, elle mit plusieurs secondes à se rappeler où elle était. Les souvenirs lui revinrent brusquement, noyant son cerveau sous les images, les cris et les bruits: la dispute, la voiture, le hurlement des freins, l'impact puis plus rien. Ah, si, l'hôpital, le jaune pâle des murs et les blouses vert pastel, les murmures au-dessus d'elle "-elle s'en sortira, Docteur? -Oui, pas de blessure interne, juste quelques bleus, mais elle risque d'être choquée. Je ne sais pas comment le psychisme réagit après... ce qu'elle a vécu... -Elle a eu de la chance, c'est indéniable..." Puis de nouveau le trou noir. Anna battit des yeux plusieurs fois avant de réussir à les ouvrir. Elle était dans une chambre d'hôpital. Assise à côté de son lit, une infirmière en blouse blanche lui sourit. -Ca va? -Mmh... articula la jeune fille. Papa ? -Je.. je suis désolée... -Quoi? fit Anna en sentant monter en elle la panique. Il est... -Non, non, il n'est pas mort! Nos avons essayé de l'opérer, mais sa colonne vertébrale a été touchée dans l'accident. S'il se réveille, il sera hémiplégique, il va rester paralysé à vie. L'infirmière prit la main de la jeune fille qui était au bord des larmes. -Tu sais, tu peux être heureuse qu'il soit en vie. Son coma n'est pas trop profond. Après un choc contre un trente-cinq tonnes, c'est assez rare... -Et... le chauffeur ? -Lui, malheureusement... La jeune femme ferma les yeux pendant un quart de seconde. -Il est mort sur le coup. Anna avait vraiment envie de pleurer. Elle s'était disputée avec son père, sa seule famille, à propos d'elle ne savait même plus quoi, son comportement en cours, comme souvent, et elle s'en voulait. Elle savait qu'elle n'était pas responsable de l'accident, c'était le camion qui avait dérapé sur la route nationale, mais le chauffeur de son père, en freinant à temps et en déviant son véhicule vers le côté, leur avait sans doute sauvé la vie. Anna avait dix ans. Elle était blonde-rousse, plutôt petite pour son âge, et elle venait d'entrer en sixième, très bonne élève pour certains profs et une calamité pour d'autres, selon leur degré de tolérance à ses dessins, origami, batailles de bouts de gomme et lancers de chewing-gums au plafond pendant les cours. Pas sa faute si elle s'ennuyait... Elle vivait seule avec son père, diplomate, qui voyageait partout dans le monde pour son travail. Elle n'avait jamais connu sa mère. Et là, dans l'immédiat, elle espérait qu'elle allait se réveiller d'un cauchemar. ***
-Anna, tu sais pourquoi tu es là. Tu ne peux pas rester indéfiniment à l'hôpital et il faut trouver une solution de garde. La jeune fille hocha la tête. -Tu n'as vraiment aucun contact avec ta mère ? poursuivit l'assistante sociale. Ou des grands-parents, oncles, tantes, cousins? -Non, je vis seule avec mon père, répondit Anna pour la millième fois depuis dix jours. Elle s'était parfaitement rétablie, restait au chevet de son père, lui parlait (il était sorti du coma depuis trois jours) mais lui aussi, il envisageait de la placer en famille d'accueil. L'hôpital, surpeuplé, ne pouvait plus la garder en observation, étant donné qu'elle allait beaucoup mieux, à part quelques éraflures sur son bras gauche. -Je ne peux plus m'occuper de toi, ma grande, avait-il dit avec un sourire triste en désignant ses jambes et son bras droit inutiles. Tu pourras passer me voir à la clinique... -Très bien, conclut l'assistante après une heure de questions. Tu pars ce soir, tu peux préparer tes affaires... Je viendrai en voiture, on passera chez toi prendre quelques vêtements et je t'amènerai chez ta famille d'accueil. Ca te va? La seule chose qui allait à Anna, c'était qu'elle allait revoir sa maison. Pour le reste, elle espérait toujours se réveiller. ***
Questions - Spoiler:
-Il est sept heures quarante-cinq! Je vous rappelle que les cours commencent dans vingt minutes, alors bougez-vous un peu! hurla Nathalie. -Ouais, ouais.. grommela un garçon brun de seize ans, Max. Contrairement aux autres enfants de sa famille d'accueil, Anna était presque prête à partir pour le collège. Malgré ses onze ans, elle était inscrite en cinquième: elle avait sauté le CE2. Elle était là depuis plus d'un an, mais aucun prof ne l'avait déjà surprise en train de dessiner, découper ou lancer des trucs en cours. Elle n'avait pas encore de réputation de fauteuse de troubles dans son établissement, ce qui n'était pas plus mal. Nathalie, la mère de la famille d'accueil, finit de débarrasser la table avant de se retourner vers les quatre enfants de huit à seize ans qu'elle accueillait. Elle savait qu'ils ne seraient pas partis avant au moins huit heures moins deux, comme tous les jours. -Bon, on y va? lança Anna à l'intention de Max, le seul à aller au collège avec elle, en classe de troisième. -OK, OK, on y go... Max l'aimait bien, car malgré ses apparences de petite fille modèle, elle avait réussi à mettre une banane écrasée dans le casier du prof de maths après que celui-ci lui ait donné deux heures de colle "parce qu'on ne dessine pas en cours de maths". Nathalie et Jean, leurs "parents", habitués aux pires cas sociaux plus ou moins pyromanes et/ou en échec scolaire, n'avaient pas compris comment "dessiner" pouvait être un motif de punition. En tout cas, pour la banane, personne ne savait que c'était elle et c'était très bien comme ça, sauf Max qui l'avait vue la voler à la cantine. Anna était assez solitaire au collège: généralement, elle se faisait traiter de petite dès son arrivée. Avec les déplacements de son père, elle avait connu le système scolaire français, italien, espagnol pendant trois semaines, japonais pendant deux ans et pas mal d'écoles internationales, et c'était à chaque fois pareil. Alors, quand elle ne traînait pas avec Max et sa bande de potes de quinze ans ou plus, elle se taisait et elle observait les autres. Elle se fondait dans le paysage. Depuis quelques jours, elle avait repéré deux nouveaux qui étaient arrivés dans sa classe, un garçon et une fille. Des jumeaux. Anglais. Elle s'attendait à ce qu'ils restent à l'écart, mais ils avaient réussi, en une demi-journée, à devenir amis avec l'autre paire de jumeaux de la classe, deux garçons dont les parents possédaient une entreprise de téléphonie mobile. Les quatre jumeaux ensemble, drôle de hasard... ***
-Max? -Quoi? -Tu peux me couvrir ce soir? -Tu fais quoi? Tu fugues pas, j'espère? -Non, non, j'ai juste un truc à vérifier, t'inquiète. Je rentrerai vers neuf heures, dis juste à Nathalie que je fais mes devoirs chez une copine... -Okay, ma puce. C'est bien parce que tu m'as rendu service l'autre soir! -Merci, mais arrête de m'appeler ma puce... Anna surveillait, de loin, les jumeaux (les nouveaux, pas les autres) depuis trois semaines. Ils lui paraissaient de plus en plus bizarres. Une fois, à la sortie d'un cours de français, elle avait surpris la fille, Kelly, chuchoter au garçon, Kevin, un truc à propos d'un "contrôleur de mission" et de "micros". Kelly avait parlé anglais: elle supposait sans doute que le niveau d'une classe de cinquième était largement insuffisant pour qu'un autre élève pige quoi que ce soit, mais Anna était pratiquement bilingue. Ensuite, à la cantine, Kevin avait glissé quelque chose dans le sac d'un des jumeaux "normaux". Quand Anna lui avait fait remarquer qu'il s'était trompé de sac, il avait paru ne pas comprendre de quoi elle parlait. Ils parlaient peu aux autres élèves. Parfois, ils passaient des heures le soir chez les autre jumeaux et rentraient chez eux à des heures impossibles, ou dormaient chez eux un soir de semaine. Anna habitait dans le même quartier, elle avait l'occasion de les voir. La famille d'accueil de la jeune fille était plus cool que son vrai père au niveau des horaires, elle pouvait traîner en ville jusqu'à sept heures du soir, mais il y avait des limites. Bon, ça aurait pu se comprendre, à la limite, que les parents anglais soient plus tolérants... Mais le plus bizarre, c'était que d'autres soirs, les deux Anglais rentraient chez eux dès la fin des cours, en disant que leurs parents voulaient qu'ils soient chez eux le plus tôt possible parce qu'ils n'aimaient pas les voir traîner dehors. Une fois, passe encore, mais quatre fois ce changement en trois semaines, Anna trouvait que ça faisait beaucoup. Elle avait décidé de les espionner. ***
CHERUB - Spoiler:
Anna se pencha vers la fenêtre du salon de Kelly et Kevin. Elle était entrée dans leur jardin, avec quelques scrupules, mais si quelqu'un la voyait, elle pouvait toujours dire qu'elle venait demander les devoirs aux jumeaux. Cachée dans un buisson, elle écoutait: le battant était ouvert et elle percevait la conversation. En anglais, bien sûr, mais c'était assez normal. Depuis une demi-heure, il ne se passait rien: les deux enfants faisaient la cuisine avec leur mère en parlant de leurs dernières vacances, sur une île au bord de la mer, visiblement. Anna dressa l'oreille quand leur père rentra: le ton de la conversation avait changé. -J'ai des nouvelles du campus, annonça l'homme. On doit se bouger pour approcher les parents des jumeaux, le plus vite sera le mieux. Ils ne se méfient pas, mais faites gaffe quand même, vous savez ce que ça a donné la dernière fois que vous avez voulu poser des micros chez eux. -Ouais, ouais, t'inquiète, sourit Kelly, on fera gaffe! -Pas envie de simuler de nouveau une crise d'asthme pour justifier ma présence dans le bureau de leur père, ajouta Kevin. Anna n'était pas sûre de la traduction du verbe "simuler", mais elle ne voyait de toute façon pas le sens de la phrase. -CHERUB compte sur nous pour démanteler ce réseau de money laundering, fit la mère. Le MI5 est là-dessus depuis trop longtemps pour... Anna n'écouta pas la fin de la phrase. Trop de pensées se bousculaient dans sa tête. Elle devait vérifier quelques mots dans un dictionnaire: "démanteler", déjà, et puis ça n'était pas possible, ça devait être une caméra cachée... Le soir même, après s'être fait gronder par Nathalie (tu avais dit neuf heures, pas dix heures moins le quart!), elle ralluma l'ordinateur de la maison et tapa quelques mots sur Reverso. money laundering: blanchiment d'argent. ***
-Kelly? -Qu'est-ce que tu veux? interrogea celle-ci face à la petite rousse qui venait de l'interpeller dans la foule de la cour de récré. Kelly était intriguée: elle avait prononcé son prénom à l'anglaise, pas comme tous le monde qui disait un truc dans le style de "kéli". Les jumeaux n'étaient pas là, gastro tous les deux, et Kevin était aux toilettes: elle n'avait rien à faire en particulier, et cette fille venait de piquer sa curiosité. La rousse, ah oui c'est vrai elle s'appelle Anna, on est dans la même classe, inspira lentement avant de demander, en anglais et presque sans accent: -Alors, CHERUB a démantelé le trafic des parents des jumeaux? Pour la première fois au cours d'une mission, Kelly, douze ans, agent de CHERUB depuis deux longues années, eut le souffle coupé. ***
Anna était assise dans le salon des Anglais, Kelly et Kevin à ses côtés. Leurs parents, l'air préoccupé, étaient scotchés au téléphone dans la pièce d'à côté et parlaient trop bas et trop vite pour que les enfants comprennent. -Ils appellent CHERUB, souffla Kelly. Anna était rentrée de l'école avec les jumeaux. Kelly avait téléphoné à sa mère pour lui demander quoi faire. Celle-ci avait calmement appelé Nathalie pour la prévenir de ne pas s'inquiéter, elle avait invité Anna à dormir chez eux, oui bien sûr je veillerai à ce que les enfants se couchent tôt je sais qu'ils ont école demain. Au téléphone, elle avait dit à la jeune fille "il faut qu'on parle", sur un ton grave qui l'avait impressionnée. -Alors, ma grande, tu vas nous expliquer où tu as entendu parler de CHERUB, commença le père de Kelly et Kevin, en anglais, en s'asseyant en face d'Anna. Il n'avait pas employé un ton particulièrement menaçant, au contraire, mais la jeune fille sentit qu'elle risquait de gros ennuis. Une sensation bizarre, étant donné que depuis l'accident, elle mettait un point d'honneur à ne s'en attirer aucun. Mais de toute façon, même son père ne la croyait pas quand elle lui racontait ses bonnes résolutions... -Je vous ai entendus parler, d'abord en classe, puis l'autre soir, en rentrant chez moi, mentit Anna. Inutile de préciser qu'elle écoutait aux portes. -Je me suis approchée de la maison, et comme je comprends l'anglais, j'ai saisi quelques mots... Ca m'a intriguée, et je voulais en parler à Kelly. -Mmh. La mère des jumeaux reposa le combiné du téléphone et les rejoignit au salon. A la grande surprise d'Anna, tous les quatre paraissaient impressionnés, choqués ou admiratifs, ou un mélange des trois, elle ne savait pas exactement. -J'ai appelé Zara, dit la femme blonde à l'intention de son mari. Elle est surprise, bien sûr, mais elle pense qu'on peut tenter le coup. -Si elle le dit, je lui fais confiance. Anna avait parfaitement compris leurs paroles. Elle ne réalisa qu'après quelques secondes que les deux adultes venaient de s'exprimer en russe. -Qui est Zara? questionna-t-elle, sans paraître s'apercevoir que sur une échelle de 1 à 10, leur surprise avait été multipliée par cent. -Quelqu'un va répondre à tes questions, ne t'inquiète pas, fit Kelly. Rappelle-moi un truc, tu vis en famille d'accueil, c'est bien ça? Anna eut le temps de hocher la tête, de penser "mais pourquoi ils me demandent ça?" et d'espérer qu'ils n'allaient pas balancer son cadavre dans le Rhin avant de tomber dans le noir. ***
Quand Anna se réveilla, elle eut l'impression qu'un long moment était passé. Il faisait jour comme en plein midi, alors que son dernier souvenir, le salon des Anglais, se situait le soir... La jeune fille regarda autour d'elle et eut l'impression de revenir un an en arrière, à l'hôpital. Elle ne se souvenait pas d'avoir subi un choc, mais avait la même sensation d'inconnu. Elle se trouvait dans une chambre spacieuse, sans doute dans un immeuble, elle portait un t-shirt orange avec un logo bizarre et une femme d'une petite quarantaine d'années, aux cheveux foncés assez courts, était debout à côté du lit. La première chose qu'Anna remarqua d'elle était qu'elle portait un t-shirt bleu layette portant l'inscription "vive les mamans!" -Bonjour, Anna. D'habitude, les nouveaux arrivants doivent se débrouiller seuls pour trouver mon bureau, mais vu la situation, on n'a pas trop le temps pour ça. Je suis Zara Asker, la directrice de CHERUB. -Où je suis, là? Où sont Kelly et Kevin? Anna s'était spontanément adaptée à l'anglais de son interlocutrice et commençait à se douter de la réponse, au moins à sa première question. -Quelque part en Angleterre. Kelly et Kevin t'ont accompagnée dans l'avion, avant d'aller témoigner pour la cellule de crise dès leur arrivée ici. Je tiens à préciser que c'est à cause de toi, la cellule de crise. Nous allons devoir remettre quelques-uns de nos principes en question en matière de sécurité et de confidentialité. Petite précision: je travaille, comme tous le monde sur le campus, pour les services de renseignement britanniques... ***
Recrutement - Spoiler:
Zara avait expliqué à Anna le fonctionnement de CHERUB, le système des t-shirts, le programme d'entaînement initial et avait conclu en lui proposant de la recruter. La jeune fille se doutait, après avoir entendu Kelly, que CHERUB avait quelque chose à voir avec l'espionnage, mais elle ne s'attendait pas à voir trois cent agents de moins de dix-huit ans sur un campus entier. Après une heure de visite des lieux avec la directrice, le test de recrutement d'Anna avait commencé. Et il commençait plutôt mal. La jeune fille évalua du regard son adversaire debout en face d'elle sur le tatami: elle savait qu'elle n'avait aucune chance de le vaincre. Ryan, douze ans, faisait une tête de plus qu'elle et était musclé par l'entraînement. Anna était petite et mince et elle n'avait jamais pratiqué d'arts martiaux. Elle comprit à peine ce qui lui arrivait quand elle décolla du sol avant de faire un salto arrière et de retomber trois mètres plus loin sur le tatami. -Je me soumets! -Ca va? questionna Ryan. Tu n'es pas blessée? -Non, pas de problème, mais je me soumets définitivement. Pas la peine de continuer, tu vas me battre de toute façon... -Tu es sûre? lança Zara. Pour la première fois, Anna vit nettement l'agent secret entraîné et la directrice d'un des services les plus secrets d'Europe derrière la mère de famille surbookée. Zara avait une détermination et une force mentale impressionnantes, tout en étant gentille, souriante et douce avec les enfants. J'aurais bien aimé qu'elle soit ma mère, se surprit à penser la jeune fille. -Oui, je suis sûre. -Très bien. L'épreuve suivante est un test de connaissances. C'est en anglais, tu penses que tu vas y arriver? Anna se contenta d'un sourire. ***
Les questions étaient loin d'être faciles. Les vingt pages de questionnaire paraissaient infranchissables à Anna, même si elle préférait largement des QCM à des rédactions comme ce qu'elle faisait d'habitude en classe. Le système anglais avait ses avantages... Elle avait quatre-vingt-dix minutes. Après une demi-heure et cinq pages, Anna vit un oiseau passer devant la fenêtre de la salle de classe. Elle scruta l'extérieur pour voir où il était passé, retourna traiter trois questions, gribouilla des nuages sur sa table avec son stylo-bille, remplit deux autres pages, ramassa deux bouts de gomme par terre et réfléchit au meilleur moyen de les propulser le plus loin possible. Ses pensées commencèrent à dériver sur son père, l'accident, les voitures en général, la façon dont elle était arrivée là (en avion, avait dit Zara), le fait de voler, l'oiseau de tout à l'heure, Max qui détestait les pigeons et les poulets, Nathalie qui devait se demander où elle était passée, non mais vraiment si on prend une pochette à élastique ça devrait être lancé beaucoup plus loin mais il fait tailler la gomme correctement, les profs, encore les pigeons (tiens, pourquoi je pense aux pigeons?) et... -Le temps est écoulé, Anna, annonça Zara en rentrant dans la salle. ***
-Je te présente Carotte, lança Zara en souriant. Sur son bureau était posée la cage d'un lapin blanc aux grandes oreilles, dodu et aux grands yeux humides. Son petit museau remuait vite, au rythme de sa respiration. Anna n'avait jamais eu d'animal à elle, son père disait que c'était un cauchemar dans un déménagement, et elle adorait déjà ce lapin. -Ta troisième épreuve est simple, reprit Zara en tendant à la jeune fille un stylo à bille. Tue cet animal. Anna n'hésita pas une seconde avant de répondre. -C'est hors de question. -Carotte est de toute façon destiné à finir à la cantine, lança la directrice. -Ce n'est pas une raison. Je refuse de faire du mal à ce lapin. -Quand tu manges de la viande, d'où penses-tu qu'elle vient? -Je ne mange pas de lapin. Un poulet, je m'en fiche, une vache ou un cochon aussi à la limite, mais pas un lapin. C'est comme un cheval ou une otarie, ça ne se mange pas. -Je suis désolée, je n'ai plus aucun poulet disponible pour cette épreuve. Le dernier s'est fait décapiter par un t-shirt orange la semaine dernière, et une bande de t-shirts rouges ont ouvert les cages des pigeons ce matin... Anna ne savait pas si elle plaisantait, mais si oui, ce n'était vraiment pas drôle. -Je t'ordonne de tuer cet animal, reprit Zara plus durement. -Dans ce cas, je préfère encore rentrer chez moi! Zara fit un pas vers elle, mais Anna ne fléchit pas: -Ne touchez pas à Carotte! -Tu refuses définitivement de le tuer? -Oui. -D'accord. Dans ce cas, l'épreuve est terminée. ***
-Tu dois traverser la piscine à la nage, récupérer l'anneau bleu au fond et remonter. Tu as deux minutes. Anna hocha la tête avant de plonger. Elle adorait l'eau, et malgré les courants de la piscine à contresens de là où elle devait aller, elle songea qu'elle allait enfin réussir une épreuve. A midi, le menu de la cantine était du lapin à la moutarde, ce qui lui avait définitivement coupé l'appétit, mais dans l'eau, malgré la fatigue, elle commençait à reprendre confiance en elle. L'anneau bleu, lesté, était petit mais pesait des tonnes. Elle avait réussi à éviter les courants les plus forts en passant sous les vannes qui crachaient l'eau, à deux mètres de fond, et elle comptait sur les vagues pour la porter dans le bon sens pour le retour. Dès qu'elle eut réussi à remonter à la surface avec l'anneau, essoufflée, les courants s'arrêtèrent. ***
-C'est de l'acrobranche? demanda Anna à la fille qui l'accompagnait en voyant le parcours dans les arbres, loin au-dessus d'elle. -On peut dire ça, oui, sourit la fille, une grande de dix-huit ans, Asiatique, nommée Kerry. -On n'est pas assurées? s'inquiéta Anna une fois en haut. -Non, mais t'inquiète pas, tu ne risques pas grand-chose, tu ne peux pas te casser plus de deux jambes en tombant, pouffa Kerry. Non, désolée, c'est pas drôle, mais c'est l'une des vannes préférées de mon petit ami quand on fait ce parcours... Contrairement à ce qu'elle avait craint, Anna n'avait pas le vertige, le parcours n'était pas particulièrement difficile et elle aimait la hauteur presque autant que l'eau. Elle vit un oiseau, sans doute un pigeon, se poser sur une branche près d'elle, et songea à celui qu'elle avait aperçu dans la matinée. -Le dernier saut, annonça Kerry. Un mètre cinquante, ce n'est presque rien au niveau du sol. Anna fit une grimace en voyant le vide devant ses pieds. A la suite de Kerry, elle prit son élan, sauta vers la plate-forme en bois et atterrit de justesse à son extrémité. -Bon, ben maintenant, descente de l'échelle de corde, trente mètres jusqu'au sol... Tu passes devant, Anna? La jeune fille soupira. Elle aurait préféré sauter dans les filets de sécurité, ils avaient l'air plus rassurants. ***
-Dis-moi, tu penses que tu as réussi? demanda Zara, assise à son bureau en face d'Anna, à la fin de la journée. La jeune fille regarda son t-shirt orange trempé de sueur et de l'eau chlorée de la piscine avant de secouer la tête. -J'ai raté la première épreuve, j'aurais pu beaucoup mieux faire à la deuxième et je n'ai pas tué le lapin à la troisième. Si vous voulez la moyenne, c'est mal barré. -Tu ne sais pas te battre et nous le savions, tu as réagi de la meilleure façon possible au début, en évitant de surestimer tes capacités. Par contre, j'admire la façon dont tu t'es réceptionnée quand Ryan t'a fait voler. Tu as réparti et amorti le choc en roulant au lieu de te laisser tomber... Où as-tu appris à faire ça? -Au trampoline, quand j'avais huit ans, sourit Anna. La prof voulait qu'on fasse des saltos... -Pour la suite, tes résultats scolaires sont très bons pour quelqu'un qui souffre d'un déficit d'attention, ils sont même largement au-dessus de la normale. Tu as déjà fait des tests de QI? -Il y a deux ans, oui. J'ai eu 175, mais mon père disait que ce n'était pas fiable... -Ne t'inquiète pas, tu compenses largement ta propension à rêvasser par ta rapidité de travail. Il faudra que tu travailles la concentration sur le long terme, mais je ne m'inquiète pas dans ce domaine. -Et... Et Carotte? Il a fini à la cantine? Zara éclata de rire. -Non, il est toujours très heureux dans sa cage, je l'ai confié à un t-shirt rouge. Tu te doutes que le but de l'épreuve était d'obéir et de tuer le lapin. Est-ce que tu regrettes de ne pas l'avoir fait? -Non. -Si je te disais que ton refus te fermait les portes de CHERUB... Penses-tu toujours que la vie de ce lapin est si importante ?
-Je m'en fiche, Carotte est en vie et c'est tout ce qui compte. -C'est bien ce que je pensais.Tu as fait preuve d'une conviction impressionnante et tes arguments sont valables, donc tu as aussi réussi, en un certain sens. La natation, rien à redire, et le parcours en hauteur non plus. -Ca veut dire... que je suis acceptée? Zara sourit. -Tu maîtrises six langues étrangères, tu assimiles des informations à une vitesse sidérante et tu as réussi à espionner quatre de nos agents. C'est la première fois qu'une chose pareille arrive, à part par un certain Robert il y a quelques années, mais ça, c'est un autre problème... Tu croyais vraiment que j'allais te laisser repartir les mains dans les poches? ***
Entraînement - Spoiler:
Anna avait survécu aux quatre-vingt-treize premiers jours du programme d'entraînement initial. Avec dix autres enfants entre dix et treize ans, elle avait tenu malgré le manque de sommeil, les hurlements de Miss Smoke et les exercices physiques éprouvants. La jeune fille avait évité une fracture lors d'une chute de quatre mètres du haut d'un arbre, elle se débrouillait assez bien en arts martiaux pour éviter de servir de bouc émissaire à leur instructeur et elle avait appris le russe. Mais pour le moment, dans l'avion de ligne qui menait les onze recrues et leurs instructeurs dans le sud de l'Espagne, elle appréhendait la suite du programme. Contrairement à la normale, leur groupe ne partait pas dans un pays lointain ou particulièrement hostile pour les derniers jours de l'entraînement initial. Officiellement, Miss Smoke avait prévu une semaine survie en Amérique centrale, mais la zone avait été interdite aux touristes à cause des affrontements armés entre guérilla et forces de l'ordre. La destination de secours, la Malaisie ("une valeur sûre", avait dit l'instructrice avec un sourire qui ne présageait rien de bon), était touchée par une épidémie de choléra, ce qui bien sûr empêchait CHERUB de risquer des enfants là-bas. Mais l'Espagne paraissait à Anna trop civilisée, trop... normale, par rapport aux rumeurs qu'elle avait entendues des agents qualifiés. Kelly, qui était partie en Alaska, l'avait prévenue que les dix derniers jours seraient les pires journées du programme, et Anna se doutait qu'ils n'allaient pas faire du tourisme. Elle comprit l'intérêt pédagogique de leur destination en voyant les bâtiments autour de la piste d'atterrissage : l'avion venait de se poser au centre d'une base militaire. ***
A peine débarqués, Miss Smoke rassembla les agents dans un hangar d'avions couleur sable. -Comme vous l'avez sans doute remarqué, nous sommes dans la base militaire de Las Rosas, dans le sud de l'Espagne. Nous y resterons jusqu'à la fin du programme d'entraînement initial. Votre objectif est de retrouver les dix messages qui vous mèneront à la porte de sortie. L'instructrice distribua à chaque enfant une feuille blanche pliée en quatre. -Ceci est votre ordre de mission. Le premier indice que vous aurez à trouver, cette nuit, est un plan de la base. Le suivant, le point de départ de la course d'orientation. Prenez votre temps, le quatrième indice ne sera pas mis en place avant demain midi... Anna ravala une grimace. Elle ne voyait pas où était le piège, mais vu l'apparente facilité de l'exercice, il y en avait forcément un quelque part. En se tournant vers Leo, son coéquipier, elle vit à son expression qu'il en était arrivé à la même conclusion. -L'exercice se fait par équipes de deux, interdiction formelle de communiquer avec les autres groupes. Vous avez reçu un sac à dos de matériel dans l'avion; pour la nourriture, vous en trouverez sur les lieux au fur et à mesure de votre avancée. Chaque équipe sera déposée en 4x4 à un endroit différent. La base est construite comme une zone de campagne, avec des collines, des tunnels, des vallées et quelques bâtiments qui représentent des villages. Inutile de longer le mur d'enceinte pour trouver la sortie, la base fait cent cinquante kilomètres carrés, et vous aurez besoin du code fourni dans la course d'orientation pour sortir. Des questions? Dix des onze enfants secouèrent la tête. -Et moi, questionna une fillette brune d'à peine dix ans, d'une tête plus petite que les autres, je vais dans quelle équipe? -Mmh... fit mine de réfléchir Miss Smoke. Eileen... Tu n'as qu'à aller avec Anna et Leo. La coéquipière de la petite fille avait abandonné au quatre-vingt-neuvième jour du programme, juste avant de partir pour l'Espagne, à cause d'une fracture de la main. Depuis quatre jours, Eileen faisait les exercices toute seule. Quand l'instructrice lui attribua un nouveau groupe, elle poussa un soupir de soulagement. -Ah, j'oubliais... lança négligemment Miss Smoke. Aujourd'hui et demain, la base est déserte, mais à partir d'après-demain, l'armée espagnole vient réaliser des manoeuvres de véhicules lourds. Normalement, ils restent dans la zone sud et sur les routes, mais vous devrez être prudents. Nous avons demandé l'autorisation du ministère espagnol de la Défense pour venir ici, mais les soldats ne savent pas que des enfants vont traîner dans les parages... Vous devrez être invisibles, c'est compris? Il vaudra mieux pour vous ne pas terminer l'exercice à temps plutôt que d'être repérés. -J'aime pas ça du tout, chuchota Leo à Anna et Eileen. ***
Anna, Leo et Eileen avaient été déposés dans une vallée déserte, dont la seule caractéristique, à part quelques touffes d'herbe jaune paille et des chardons, était la chaleur écrasante. Chaque enfant portait onze kilos de matériel, parmi lesquels se trouvaient un t-shirt de rechange, trois litres d'eau, des lunettes infrarouge, une tenue de camouflage de la même couleur sable que les hangars d'avions, une boussole, un couteau, une minuscule radio pour appeler Miss Smoke (seulement en cas d'urgence, avait précisé celle-ci avec un regard qui dissuadait d'essayer même en cas de vie ou de mort), et une trousse de secours. Leo avait envisagé de se débarrasser de certains objets (un dictionnaire ou une canne à pêche pliable ne lui semblaient pas particulièrement utiles), mais Anna lui rappela qu'ils n'étaient pas censés laisser de traces de leur présence. Et si qui que ce soit trouvait un dictionnaire anglo-japonais par terre au milieu d'une base militaire, il avait peu de chances de se dire qu'un extraterrestre l'avait laissé tomber là par hasard. -Une grosse dizaine de kilos, ça passe, déclara Anna après avoir soupesé son sac. Eileen, ça va aller pour toi? La petite fille hocha la tête. -OK. Bon, maintenant, les ordres de mission... Celui de Leo était rédigé en arabe, celui d'Eileen en mandarin et celui d'Anna en russe. D'après ce qu'ils pouvaient comparer (Eileen était nulle en langues mais Anna préférait largement le mandarin au russe), le contenu des trois documents était identique. -On doit marcher deux kilomètres vers le nord. Ensuite, on va tomber sur un bâtiment, une maison je crois, et on trouvera le plan de la base dans la cave. -Ce n'est pas plutôt le grenier? interrogea Leo. -Mais non, "Подвал", c'est la cave, en russe, pas le grenier, soupira Anna. De toute façon, ça ne change pas grand-chose, on verra une fois qu'on sera là-bas... -Et la dernière ligne, intervint Eileen, vous la comprenez? Moi pas, les rares caractères que je reconnais n'ont aucun sens logique... Anna se pencha sur sa feuille. -Non, c'est bizarre... C'est de l'alphabet cyrillique, mais ce n'est pas du russe... -Pareil chez moi, ajouta Leo, je ne comprends rien! -C'est codé, conclut Eileen. Anna et Leo avaient vu les capacités de la petite fille, pendant les quatre-vingt-treize jours précédents, à coder ou décoder quasiment n'importe quoi. A partir du moment où le cryptage se faisait en chiffres ou en anglais. -Essayez de lire une lettre sur deux, ou une sur trois, suggéra Eileen. On va finir par y arriver... ***
-On est sûrs d'une chose, le cryptage n'est pas le même pour les trois messages, lança Eileen. Les règles de la plupart des codes, décaler dans l'alphabet par exemple, ne s'appliquent pas aux idéogrammes. Les agents avaient essayé de traduire chacun des messages à partir des codes qu'ils connaissaient, sans succès. Après une heure passée à l'ombre sous l'une de leurs couvertures camouflage, ils avaient décidé de se diriger vers le nord: autant avancer dans la bonne direction, malgré le soleil écrasant. Même s'ils essayaient d'économiser leurs réserves, ils suaient à grosses gouttes et avaient déjà bu plus d'un litre d'eau chacun. -Si Miss Smoke voulait me faire comprendre que je suis nulle en langues, elle a réussi! jeta rageusement Eileen et shootant dans un caillou. Ce n'est même pas codé, c'est juste incompréhensible! J'ai chaud, j'ai soif, j'en ai marre! -Calme-toi, Leen, fit Anna. Le paysage autour d'eux était toujours aussi désert. Le soleil déclinait, mais les agents avaient la désagréable sensation, augmentée par la marche et le poids des sacs, que la chaleur augmentait. La jeune fille rousse tendit à Eileen sa bouteille d'eau, récupéra les trois feuilles et en compara la dernière ligne pour la énième fois. -Il y a un truc qui revient dans les messages: en russe, le mot "Цвет", couleur, en arabe "الأحمر", je crois que ça veut dire rouge, et en mandarin, si on traduit littéralement, ça veut dire "il ne te faudra pas de peinture pour..." Je ne sais pas la suite. -On n'a pas de peinture ni de truc rouge dans nos sacs, remarqua Leo. Et puis autour de nous, je ne vois rien qui puisse être rouge... Même ces stupides chardons, quand ça a des stupides fleurs, c'est violet! -On verra plus tard, trancha Anna. Là, on devrait avancer si on ne veut pas finir grillés, et il faudrait qu'on trouve le bâtiment avant la nuit si on veut dormir quelques heures cette semaine... ***
Eileen fut la première à apercevoir le cube gris, à une centaine de mètres devant eux, dissimulé entre deux collines. Le bâtiment ressemblait à un bunker. Les trois agents se précipitèrent vers sa porte d'entrée, fermée. -On a fini par y arriver, lança Eileen, essoufflée. La plus petite de l'équipe commençait à être fatiguée. Elle avait eu du mal à suivre le rythme physique intensif de l'entraînement initial, et porter onze kilos était à la limite de ses capacités. Pourtant, elle ne se plaignait jamais, contrairement à Leo qui ne ratait pas un prétexte pour râler. C'est typiquement anglais, se disait Anna depuis qu'elle le connaissait. -C'est fermé? interrogea Anna. -Attends, je teste, répondit Leo en poussant la poignée de la porte métallique. Une explosion retentit aussitôt et projeta les trois agents en arrière. En rouvrant les yeux, Anna remarqua tout de suite qu'il y avait un problème: Leo, son t-shirt bleu et son sac étaient intégralement rouges. -Une bombe à peinture! Anna contempla l'étendue des dégâts: elle était elle aussi recouverte de rouge gluant, au moins sur les bras et les chaussures. Leo, le plus exposé, avait pris l'essentiel de la peinture, et Eileen, derrière eux, n'avait pas été touchée. Au moins, la porte était ouverte. -Bon, je viens de comprendre ce que voulait dire la couleur rouge dans les messages codés... soupira Eileen. Leo jura en inspectant son sac: -Et merde, ça traverse le tissu! J'en ai partout sur moi et mon sac est foutu! Anna s'essuya les mains sur l'herbe jaune devant le bâtiment et arracha quelques touffes pour nettoyer ses rangers. Leo tenta de l'imiter, mais il dégoulinait et la peinture rouge semblait résister au frottage. Eileen entra dans le bunker avec précaution. Elle en ressortit dix minutes plus tard avec trois feuilles à la main. -C'était dans la cave, il n'y a pas de grenier dans ces trucs! -Tu as trouvé les infos comme ça? s'étonna Leo. -Non, il fallait trouver la combinaison d'un cadenas pour ouvrir la porte, sourit la petite fille. Ca va, c'était facile... -Merci, lança Anna. La suite de la course était indiquée sur leurs nouveaux documents. -Génial, le plan... Voyons voir... Eh mais en fait, on est complètement à l'est de la base! fit Leo. C'est beaucoup plus grand que ce que je pensais! Les faux villages étaient indiqués en gris foncé, les bâtiments militaires en noir et les routes serpentaient d'un point à l'autre comme des toiles d'araignées. -Qu'est-ce qu'on fait? demanda Anna. C'est marqué où on doit aller? -Non, nulle part, soupira Eileen. Mais j'ai aussi trouvé ça... Elle montra un sac en plastique transparent qui contenait trois sandwichs, trois litres d'eau et une corde d'escalade. -Je crois que ça veut dire qu'on doit aller sur le rocher d'escalade, vers l'ouest, pour trouver la prochaine étape... Je ne vois pas ce que ça peut être d'autre, surtout qu'on a du matériel d'escalade dans nos sacs. Leo renonça à se laver avec l'une des bouteilles: ils avaient trop peu d'eau pour se permettre de la gaspiller. -On a trois problèmes, annonça le garçon en regardant la carte. Mon sac et son contenu sont fichus, on a intérêt à lire attentivement les prochaines consignes si on veut éviter un nouvel incident du même genre, il fait toujours aussi chaud même s'il est neuf heures du soir et on a encore au moins dix kilomètres à marcher avant de pouvoir s'arrêter. -Ca fait quatre, remarqua Eileen. -Non, les consignes, ce n'est pas un problème pour le moment: on n'a aucune indication sur ce qu'on doit faire. ***
Accident - Spoiler:
Anna haïssait l'escalade. Les trois agents étaient arrivés devant le mur vers vingt et une heures, au moment où la nuit commençait à tomber sur la base militaire. Ils avaient aperçu, en haut, un point rouge qui dépassait du rocher. -On y va, avait soupiré Leo en ouvrant le sac d'Eileen épuisée pour en sortir le matériel d'escalade. La plus jeune de l'équipe avait faim, soif, mal au dos et mal aux pieds, mais elle se plaignait à peine. Anna était physiquement épuisée mais elle devait tenir le coup. Leo fanfaronnait moins que d'habitude, ce qui était très mauvais signe. Leo avait abandonné son sac plein de peinture rouge au pied du mur (même les cordes étaient glissantes et dégoulinantes) et pris sur son dos celui d'Eileen, puis ils avaient commencé à grimper. Et là, Anna se retrouvait coincée en plein milieu du mur, sans savoir où monter, et bien sûr sans pouvoir descendre. Plus assez de corde: le rocher d'escalade faisait au moins cinquante mètres de haut. -Allez, avance! Sur ta gauche! l'encouragea Leo deux mètres au-dessus d'elle. -J'y arrive pas! paniqua Anna. Je vois rien dans cette fichue nuit, je glisse et je vais tomber en arrière si je bouge une main! -Attends, je te rejoins, cria Eileen en-dessous. Leo, tu arrives à m'assurer! -Pas de problème! La petite fille grimpa souplement et arriva rapidement à la droite d'Anna. Elle ne portait pas de sac, ce qui lui facilitait l'escalade, mais Anna la sentit trembler. -Si on va par là, ça passe, il y a une bonne prise, déclara Eileen après avoir tâtonné sur le rocher. Vas-y devant, je te guide. Leo, cria-t-elle, tu nous assures, hein? La nuit était tombée et les empêchait de voir où ils allaient. -J'aime pas ça du tout, soupira Anna avant de se jeter sur la prise au-dessus de sa main droite. -Plus que dix mètres et on est en haut! hurla Leo. Vas-y, je tiens! Les deux filles finirent par le rejoindre au sommet, épuisées. -Alors, c'est quoi le truc qu'on était censés trouver? lâcha Anna. L'objet rouge (elle détestait cette couleur à force de la voir partout) était un sac de toile qui contenait trois sandwichs et six litres d'eau, ainsi que la suite de leur ordre de mission. -Vous êtes prêtes pour la descente en rappel? questionna Leo. -Mouais... -Je vous préviens, on va devoir faire un relais, comme pour l'ascension, la corde est trop courte pour descendre directement jusqu'en bas! -Bon, on y va? soupira Eileen.
Vingt mètres plus bas, Anna s'encorda à la paroi avec Eileen pour attendre que Leo ait descendu à son tour la première partie de la voie. -Tu fais quoi, là? s'impatienta-t-elle alors que le garçon n'arrivait pas. -La corde a un problème, je n'arrive pas à la démêler! lui cria-t-il. Je vois rien du tout! -Je dois rem...? commença Eileen, jusqu'à ce qu'un grand cri lui coupe la parole. AAAAAAAAAHH ! -Leo, ça va? s'inquiéta Anna. Leo? LEO! -Ca va, fit la voix du garçon juste au même niveau qu'elle. Je suis un peu tombé, mais ça ira. Par contre, je crois que mon poignet s'est un peu pris le rocher... Anna et Eileen hurlèrent en chœur en découvrant la main ensanglantée du garçon qui formait un angle bizarre avec le reste de son bras. ***
Au moins, la trousse de premiers secours qu'Anna avait portée toute la journée était utile. Dès qu'ils retrouvèrent le niveau du sol, elle désinfecta la plaie puis lui banda le bras en essayant de remettre le poignet dans son alignement normal. Leo faisait toujours son gros dur d'habitude, mais là, il se contentait de gémir et de serrer les dents: c'était la première fois qu'Anna le voyait presque craquer. -Je contacte Miss Smoke, lança Eileen en fouillant dans son sac. -Non! s'écria Leo. -Mais ton bras, tu... -Je continue. -Comment tu vas faire? s'inquiéta Eileen. On est au fin fond de nulle part, et sans vrais soins, ça risque de s'infecter et... -Je sais et je ne veux pas le savoir. Anna grimaça en pensant aux images des cours de premiers secours lors de leur entraînement: l'infection, la gangrène, l'amputation. Mais elle n'avait jamais vu Leo aussi décidé. -Leen, tu sais que j'ai treize ans? J'ai raté quatre fois ce foutu programme depuis que je suis à CHERUB, deux fois pour blessures, une fois pour insulte à l'instructeur, c'est la première fois que ça arrive depuis Lauren Adams, mais heureusement ce n'était pas Miss Smoke que j'avais traitée de you bastard go fuck your mother you should go burst in your own shit, entre autres choses, sinon j'en entendrais encore parler. La dernière fois, je me suis chopé le chikungunya en Malaisie, aussi pendant la dernière semaine du programme. Je ne PEUX PAS abandonner, tu comprends? Zara m'a dit, il y a trois mois, que si j'échouais, elle me trouverait une famille d'accueil. Je ne veux pas aller en famille d'accueil, les filles. S'il vous plaît... Anna et Eileen s'entre-regardèrent. Anna ne connaissait que les gros mots courants en anglais et elle était contente de ne pas avoir compris en détail tout ce que le garçon avait dit à l'instructeur. -Je suis sûr que ce n'est pas une fracture, c'est juste une grosse éraflure. Si ça va vraiment mal, si ça s'infecte, vous appelez Miss Smoke, pas avant, OK, les filles? -D'accord, fit Anna après une hésitation. Eileen hocha la tête. -On dort ici, je suppose? fit-elle. Il y avait une bâche étanche avec le message là-haut, je l'ai récupérée avec le reste... -Pas juste ici, mais dans le coin, ça me va, il faut juste trouver un endroit un peu protégé, fit Anna. -Bon, on mange? reprit Leo avec un sourire forcé. J'ai hâte de voir ce qu'il y aura encore de dégueulasse dans nos sandwichs cette fois... ***
Dans le piège - Spoiler:
Deux jours plus tard, la situation des trois agents était loin de s'améliorer. L'armée avait investi les lieux, et les enfants passaient leur temps à se cacher pour ne pas être repérés par les adultes, dans les creux du sol, les abris abandonnés et les souterrains plus ou moins dangereux. La blessure de Leo n'allait pas mieux, mais il n'avait pas d'infection grave, et il faisait tout pour ne pas montrer qu'il avait mal. Les agents avaient pris du retard sur tous les autres groupes, ils avaient trouvé trois indices du parcours d'orientation et marché au moins quarante kilomètres. Anna était exténuée, mais elle était la plus solide de son équipe et elle se disait qu'elle devait montrer l'exemple. Ils ne devaient pas abandonner. -Chht, y'a un stupide blindé qui passe sur la route, murmura Leo à ses coéquipières, tassées dans un fossé. Après le passage du véhicule, ils ressortirent et coururent vers les bâtiments où ils devaient aller. -J'ai l'ordre de mission! s'exclama Eileen après une recherche de vingt minutes dans le faux village en ruines. La plus jeune de l'équipe était épuisée, mais elle feuilleta les huit pages de documents avec attention. -Pfff, c'est codé, trop facile... "Allez vers le sud, contournez la colline, attention aux avions, votre but sera d'atteindre l'étang vert avant la nuit", lut-elle directement sur les pages pleines de chiffres. -Justement, c'est trop facile, réfléchit Anna. A CHERUB, ils savent très bien comment tu déchiffres les codes, ils ont eu quasiment 100 jours pour le savoir. -Non, ils le savaient quand ils m'ont recrutée, il y a deux ans, sourit Eileen. -Il y a autre chose: on vient de l'étang vert, on l'a vu hier. Ils ne vont pas nous faire tourner en rond ou revenir en arrière! -C'est vrai que c'est bizarre, acquiesça Leo. -D'accord, je relis ça avec attention, soupira Eileen en s'asseyant par terre. Elle prit le temps de se concentrer sur les séries de chiffres et de lettres qui paraissaient complètement obscurs à Anna et Leo. -Ah, d'accord... -Tu as trouvé? -Vous aviez raison, en fait, il y a un double niveau de codage! On doit aller à l'opposé, au nord, et c'est précisé "bravo, bientôt la sortie!" -Je me méfie, là... grimaça Leo. *** Leo, Eileen et Anna se mirent en route vers le nord. Les deux filles portaient les sacs à dos et Leo la bouteille d'eau qu'il leur restait. -Il est quelle heure, à votre avis? demanda Eileen. -Vu le soleil, il doit être trois heures, répondit Anna. -Avant la nuit, ça veut dire quoi? reprit la plus jeune des filles. -Sans doute avant dix heures du soir, sourit Leo. -Pour l'instant, ça ne se passe pas mal, en fait, fit Eileen. Il nous reste trois jours de programme, mais ça me paraît trop facile, pas vous? -Tu plaisantes? s'exclama le garçon. On a trop galéré pour trouver l'eau et la bouffe, d'ailleurs c'est pas toi qui as abattu et cuisiné ce serpent, que je sache, on passe notre temps, nuit incluse, à jouer à cache-cache avec ces stupides militaires, et je crois que j'ai dormi douze heures depuis qu'on est dans cette base... -Oui, mais on n'avait rien d'insurmontable! Anna, tu as l'ordre de mission pour la suite? La jeune fille fouilla dans le sac qu'ils avaient trouvé avec leur dernière bouteille d'eau. -Non, je n'ai... Attends, si, il y a... une clé USB! -Merde, merde, merde! lança Leo. -Quoi? s'étonna Eileen. On ne peut pas la lire, de toute façon, ça doit servir pour plus tard! -Si, j'ai vu un PC portable dans le village où on était tout à l'heure, mais je n'y ai pas touché vu qu'il était dans le champs de vision des militaires qui traînaient dans le coin... -On y retourne, alors, fit Anna. Ils ne s'étaient pas trop éloignés et le trajet inverse fut rapide. Plus aucun militaire n'était visible dans les environs. -Je l'ai! sourit Leo après avoir cherché quelques minutes entre les pierres derrière une maison. -La batterie est chargée? s'inquiéta Anna. Eileen appuya sur un bouton. Le tintement électronique d'un ordinateur qui s'allume répondit à sa question. -Evidemment, un fichier protégé. Je m'en occupe, sourit la petite fille. Quelques touches de clavier plus tard, le fichier était ouvert. Anna et Leo se penchèrent pour lire par-dessus son épaule.
Vous avez exactement six heures pour rejoindre votre point de rendez-vous. Passé ce délai, cette étape sera considérée comme échouée.
Anna, Leo et Eileen Brown Enfants de Joan et Max Brown, militaires britanniques de l'OTAN, en exercice d'entraînement dans la base de Sur España. Ces noms sont inscrits dans la base de données du QG militaire espagnol et enregistrés comme visiteurs autorisés de la base pour une durée de trois jours. Restrictions d'accès aux secteurs 4, 5 7, 8 et 10 de la base: interdiction formelle d'y pénétrer sans être accompagné d'un adulte autorisé.
-C'est quoi ce truc? s'étonna Leo au bout de la vingtième page. -Ca ressemble à un ordre de mission, répondit Anna. De fausses identités, un contexte, des tas de trucs à apprendre sur notre prétendue famille... -Mais à quoi ça sert? -J'en sais rien, soupira la jeune fille. Je pense qu'il vaut mieux le lire en entier et le retenir, si jamais Miss Smoke nous interroge dessus quand on sortira de la base... -Pfff, mais ça sert à rien, alors! -Connaissant les coups tordus des instructeurs, ça aura forcément un intérêt un jour, répliqua Eileen avec une autorité inhabituelle. -Tais-toi et apprends, ajouta Anna. -En attendant, on n'avance pas, reprit Leo. En plus, selon le plan, on est en plein dans le secteur 8, et on n'a pas le droit d'être là. Vous ne pensez pas qu'on devrait repart... Il sursauta et suspendit sa phrase quand une voix forte et très moyennement amicale dans son dos l'apostropha en espagnol: -Bordel, mais qu'est-ce que vous fichez ici, vous trois? ***
Instantanément, Anna passa simultanément en mode "espagnol" et en mode "petite fille perdue": -Nos perdimos en la base militar, ¿pueden llevarnos al edificio principal? Eileen et Leo étaient censés la comprendre, ils avaient aussi suivi les cours d'espagnol, mais il valait mieux prendre les devants. -Comment avez-vous atterri dans la base? poursuivit le soldat en espagnol. -On faisait une randonnée tous les trois pendant que nos parents sont en entraînement, répondit Anna. Ils sont militaires de l'OTAN, ils doivent être en ce moment sur le secteur 5... Hier, on nous a dit qu'on avait le droit de partir se balader si on restait dans la zone 2, alors on a décidé, avec mon frère et ma soeur, de passer une nuit à la belle étoile. Mais on a perdu notre plan, mon frère Leo s'est blessé en glissant contre une pierre et on n'a plus retrouvé par où on était venus... -Mouais, fit le militaire. Pour info, vous êtes dans le secteur 4 qui est formellement interdit d'accès en ce moment. Je vous escorte à la base, vous allez expliquer tout ça à mes supérieurs. J'aime pas ça du tout, des gamins qui traînent dans une zone secret défense... -Vous avez suivi? glissa Anna à Leo et Eileen, en anglais, en se mettant en route. -Pas de problème, répondit le garçon. -Je pense qu'à la base, ils vont nous interroger séparément, fit Eileen. Il va falloir appliquer tout ce qu'on a retenu de l'ordre de mission... -Comme si on était en état de subir un interrogatoire, soupira Leo. ***
Eileen avait vu juste. A peine arrivés, les trois enfants avaient été séparés, chacun conduit dans une pièce à part par un militaire à l'air plus ou moins engageant. -Your name, age and nationality, jeta le grand homme musclé au crâne rasé qui interrogeait Anna, dans un anglais horrible. -Anna Brown, 12, English. -Qu'est-ce que vous fichiez dans une zone interdite? -Vous pouvez parler espagnol, fit la jeune fille dans cette langue et quasiment sans accent. -Tant mieux, reprit-il en espagnol. Alors, qu'est-ce que vous faisiez? -On s'est perdus... Anna reprit son récit depuis le début, ce qui lui prit une bonne demi-heure. Elle avait l'impression qu'elle allait tomber de fatigue et elle n'avait rien bu depuis des heures. -Je peux avoir un verre d'eau? Et où sont mes parents? -Ok pour l'eau, mais on va d'abord vérifier tes dires. Six personnes interrogèrent Anna après Crâne rasé, cherchant les contradictions dans le moindre détail de ce qu'elle disait. -Ton frère prétend qu'il s'est blessé en tombant du toit d'un bunker. Pourquoi dis-tu autre chose? C'est du bluff, pensa Anna. -Il n'est pas tombé d'un toit, il a glissé et il est tombé contre une pierre, lança la jeune fille avec de grands yeux innocents. Je ne comprends pas pourquoi il aurait dit ça... -Que faisiez-vous dans le secteur 4? -Notre carte de la base a été perdue, donc on a essayé de revenir sur nos pas, mais je n'ai pas retrouvé le sentier qu'on avait pris! Anna, malgré la fatigue, essayait de varier ses phrases sans se contredire et surtout sans donner trop de détails qui pourraient être contredits par ses deux coéquipiers. Elle savait que répéter mot pour mot la même version des faits était une preuve de mensonge. -J'en ai marre! s'énerva-t-elle après un nombre incalculable d'heures et de contre-interrogatoires. C'est quand même pas notre faute si on s'est perdus! Et là, vous nous traitez comme si on avait violé un secret d'Etat, alors que je ne sais même pas de quoi vous parlez! Je veux dormir, et fichez la paix à ma petite soeur, elle n'a que dix ans! S'énerver contre une accusation injuste et ne surtout pas se résigner était aussi une attitude qui prouvait sa bonne foi. -Pourquoi avez-vous décidé d'entrer dans la zone 4? -On ne savait pas que c'était la zone 4, on était perdus. -Pourquoi avez-vous quitté la zone 2? Anna explosa. -J'ai faim, j'ai pas dormi depuis au moins 24 heures et j'en ai marre! Estoy harta, entiende? L'homme assis en face d'elle sourit et décroisa les bras. -Je crois que ça suffit comme ça. Suis-moi, quelqu'un veut te parler... ***
Explications - Spoiler:
Anna faillit hurler en voyant Miss Smoke, un grand sourire aux lèvres, tranquillement assise sur une chaise en plastique dans la pièce d'à côté. Contre toute attente, elle s'adressa au militaire comme s'ils se connaissaient depuis toujours, avec à peine un regard pour Anna: -Alors? Ton verdict? -Je sais pas ce que vous leur apprenez et je veux pas savoir comment vous les formez, vos gamins, mais en tout cas, bravo. Rien à redire. La petite, ça fait douze heures qu'elle tient. Elle a rien lâché. -Merci. Et les deux autres? -Le garçon a fait cinq heures d'interrogatoire, mais comme son bras était abîmé, on l'a envoyé à l'infirmerie... Il dort comme un bébé, hahaha! Et l'autre gamine, pas trop mal, elle a gardé sa version des faits mais pas toujours très convaincante. -OK. Tu peux nous laisser? J'ai quelques mots à dire à Anna... -Pas de problème! Je t'envoie aussi Eileen? -Oui, merci. Anna était stupéfaite. -Vous... vous connaissez ce type? Miss Smoke sourit de toutes ses dents: -Yep. On a fait la Bosnie ensemble avec l'OTAN en 1995, mais tu n'étais pas née à cette époque... Eileen entra et Anna continua ses questions: -C'était prévu dans l'entraînement, n'est-ce pas, qu'on se fasse arrêter et qu'on subisse douze heures d'interrogatoire? -Exactement. L'ordinateur contenait une balise GPS qui a permis aux soldats de vous localiser. Le but était la pratique de l'espagnol, la mémorisation d'un ordre de mission, la réaction à une situation inattendue, et la gestion du stress et de la pression à long terme. Tous les groupes ont été arrêtés et conduits dans les différentes bases depuis les deux derniers jours, en fonction de leur progression sur le terrain. Vous étiez les derniers, et j'avoue que je me suis inquiétée quand j'ai vu que Leo s'était blessé... -Vos étiez au courant? s'étonna Eileen. Mais comment? On n'a pas fait le numéro d'appel d'urgence, ni... -Un émetteur radio était caché dans chaque sac. On entendait tout ce que vous faisiez, pour pouvoir intervenir vite s'il y avait un problème grave... Un entraînement de l'OTAN dans la base, ce n'est pas une partie de cache-cache non plus: ils ont fait des exercices de tir à balles réelles, et on ne sait jamais... -Pourquoi vous n'êtes pas intervenue, alors? fit Eileen. Miss Smoke attendit quelques secondes avant de répondre à sa question. -J'avais des ordres de la direction. Zara m'a dit de ne rien faire tant que vous ne le demandiez pas. Elle tenait à ce que Leo obtienne son t-shirt gris... -Sympa pour nous, fit remarquer Anna. -Ce n'est pas pareil. Vous êtes jeunes, alors que Leo a déjà l'âge d'un agent qualifié. Quoique, Anna, elle tenait aussi à ce que tu sois opérationnelle le plus vite possible. Elle t'en dira plus quand tu rentreras, mais je préfère te prévenir... -C'est vrai? Une mission, vous voulez dire? -Tu n'es pas censée le savoir et rien n'est sûr pour le moment. Je n'ai rien dit et tu n'as rien entendu, lâcha Miss Smoke en se levant. Bon, on va rejoindre les autres équipes? Il est temps de rentrer au campus, l'avion part en fin d'après-midi, vous avez juste le temps de dormir quelques heures ici... Ah, j'oubliais. L'instructrice sortit d'un sac en plastique opaque deux t-shirts gris soigneusement repassés. -Tenez, les filles. Bienvenue à CHERUB! ***
Retour au campus - Spoiler:
Quand les onze agents fraîchement qualifiés arrivèrent sur le campus, ils eurent l'impression d'être emportés par un tsunami. Tous les amis de Leo, des garçons entre dix et quinze ans plus ou moins turbulents, étaient là pour lui souhaiter la bienvenue: une banderole "Vous êtes des winners... sauf Leo qui a payé Smoke pour avoir son t-shirt gris!" était accrochée à la porte du bâtiment principal, des ballons flottaient un peu partout et des t-shirts rouges couraient dans tous les sens pour attraper des parts des gâteaux disposés sur des tables. -Le staff a laissé faire, pour la fête? demanda Anna, surprise, à un t-shirt bleu marine qui amenait des pétards. Celui-ci rigola: -Zara savait bien que s'ils essayaient de l'interdire, on l'aurait fait quand même, mais avec une révolution en prime. Donc ils ont pris la bonne décision, comme ça, ils peuvent garder un certain contrôle... -Salut! s'exclama une voix de fille derrière Anna. Celle-ci se retourna et sourit: -Salut, Kelly! -Alors, l'entraînement initial s'est bien passé? questionna la jeune fille. -Pas mal. On est allés sur une base militaire en Espagne, je te raconterai! -Leo a eu son t-shirt gris, visiblement, remarqua Kevin en arrivant à la hauteur des deux filles. C'est pas trop tôt! -Pourquoi tu dis ça? s'étonna Anna. -Ce mec est une légende, et pas dans le bon sens du terme. Je crois que c'est le premier agent de CHERUB à avoir frôlé l'exclusion autant de fois avant même d'obtenir son t-shirt gris... Mais il est génial, sur certains points, c'est pour ça qu'ils le gardent. Il était en cours d'armement avec moi l'année dernière, entre deux ratages du programme d'entraînement, et il est trop fort en tir. Avec quasiment toutes les armes possibles et imaginables. -On sait que tu es jaloux, Kevin, sourit Kelly. Je te souhaite bon courage pour ta prochaine mission de recrutement... -Ouais, bon, ça va, hein, soupira le garçon. On sait que toi, tu y échappes parce que Zara a besoin de toi pour un truc important, mais tu... -C'est même pas vrai! Moi, j'ai recruté Lola et Andy en deux semaines. Toi, tu as passé les trois derniers mois dans un orphelinat pourri, tu n'as ramené personne, et tu es revenu à CHERUB uniquement parce que Meryl Spencer a dit que tu devais rattraper ton retard scolaire... -Pourquoi vous êtes partis en recrutement? fit Anna. Je croyais que c'était une sorte de punition! Qu'est-ce que vous avez fait? -C'est à cause de toi, tu sais, lança Kelly. Parce qu'on a laissé filtrer des informations confidentielles sous ton nez, pendant notre dernière mission... -Je suis désolée! -C'est pas grave, les missions de recrutement ne me dérangent pas, sourit Kelly. A propos de mission, tu es au courant qu'on part la semaine prochaine en France? -Quoi? Miss Smoke m'avait parlé d'une mission, mais je ne pensais pas... Attends une minute, qui ça, "on"? -Je vous laisse entre agents qualifiés, les filles, jeta Kevin. Je vais retrouver mon vieux pote Leo, à plus! -Il est jaloux, c'est tout, commenta Kelly. On doit aller voir Zara demain pour préparer la mission, on saura qui est notre contrôleur de mission à ce moment-là. Normalement, c'est Chloé Blake, la blonde qui jouait le rôle de notre mère quand tu nous as rencontrés, Kevin et moi... Et on va aussi travailler avec son assistante, une ancienne agent de CHERUB. Je ne sais pas si tu en as entendu parler, elle s'appelle Kerry Chang. *** Pour la première fois de sa vie, Anna se réveilla sur le campus de CHERUB avec l'impression d'y être depuis toujours. Elle avait des amis, une mission, un emploi du temps et surtout le sentiment d'être à sa place. Elle avait rêvé de son père, ce qui ne lui était plus arrivé depuis plus de trois mois. Ce n'était plus le cauchemar de l'accident qui l'avait hantée dans sa famille d'accueil, mais juste un rêve où son père faisait les courses. La petite fille se demanda s'il savait où elle était. Sûrement pas, il devait la croire toujours en famille d'accueil. Mais dans ce cas, il se demandait sûrement pourquoi elle ne lui donnait pas de nouvelles... Anna sentit une bouffée de culpabilité lui monter à la gorge. Leo n'avait jamais connu ses parents, Kelly ne semblait pas y penser, Eileen avait été placée en foyer par décision de justice quand elle avait six ans et Kevin se contentait d'aller au cimetière une fois par an. Cela semblait tellement plus simple... Anna enfila son t-shirt, un pantalon kaki, démêla ses longs cheveux roux et se rendit au réfectoire. Kelly l'attendait en compagnie d'une jeune femme asiatique d'une vingtaine d'années. -Salut, je suis Kerry, lui sourit celle-ci quand Anna s'assit à leur table. Tu es Anna, je suppose? Kelly hocha la tête à sa place. -Je viens de finir mes études aux Etats-Unis, et CHERUB m'a embauchée comme assistante contrôleuse de mission, expliqua la jeune femme. Comme mon copain reste encore quelques mois à Las Vegas pour traîner dans les casinos, je suis disponible pour partir avec vous sur le terrain. -Dans les casinos? releva Kelly. -James a un diplôme de maths, mais je ne sais pas s'il compte enseigner un jour... Il continue ses études pour obtenir un doctorat, mais il joue au black-jack pour arrondir ses fins de mois. Mais je vous raconterai ma vie un autre jour: je crois que Zara nous attend... ***
La suite dans un autre message, parce que je n'ai pas la place en un seul...^^ |
Dossier Agent: Clara Keller Age: 13 ans T-shirt: Gris
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Nathan Smith Age : 27 Messages : 934
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Dossier Agent: Nathan Smith Age: 7 ans T-shirt: Rouge
| Fauve Age : 25 Messages : 1690
| | Vanille Age : 26 Messages : 596
| | Kelly Clara Age : 30 Messages : 5662
| Lun 20 Fév 2012 - 0:12 | |
| Merci beaucoup pour vos encouragements! Ca me remonte le moral!^^
Il était cinq heures de l'après-midi. Dès la fin des cours, Anna et Marina allèrent à l'atelier de broderie à la maison de retraite, Marina motivée à l'idée de commencer un nouveau motif de nounours et Anna stressée car elles ne rentreraient pas chez les Martin avant un long moment. La jeune fille avait peur de manquer une conversation importante de Claude Martin. Après avoir écouté une mamie raconter sa vie pendant au moins deux heures, les deux filles rentrèrent chez Marina. Anna devait dormir chez les Martin, et si possible, retourner fouiller dans les dossiers de Claude: elle appréhendait un peu la soirée à venir. Pendant que sa fille et Anna mangeaient une pizza surgelée, Claude Martin ne leva pas les yeux de son écran. Quand Marina lui lança "on regarde un film, bonne nuit!", il se contenta de marmonner un vague "mmh". Anna était intriguée: sa cible semblait occupée, et même inquiète. Il se passait quelque chose. -On regarde quoi? fit Marina en quittant la cuisine. -Ce que tu veux! sourit la jeune fille rousse. L'avantage, avec Marina, c'était que contrairement à son frère, elle détestait tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un extraterrestre visqueux. -Je vais mettre mon sac dans ta chambre, annonça Anna quand le film commença. Elle avait pris soin de le laisser dans le couloir pour avoir un prétexte pour repasser devant Claude Martin. Au moment précis où elle revenait avec son sac, le téléphone sonna. Anna savait qu'avec ses micros, Kerry et Chloé seraient en train d'écouter la conversation, mais si jamais Martin parlait en arabe, cela leur prendrait des heures de trouver un traducteur. Elle resta dans le couloir, à moins de deux mètres de sa cible. -Oui? fit Claude Martin. Il écouta son correspondant pendant quelques secondes, et comme Anna l'avait prévu, il passa rapidement à l'arabe. -Quoi? Non, je ne sais pas ce qui se passe. Tu as parlé à Samir? Non, bien sûr... Il faut sécuriser notre réseau à propos des transferts de fonds, tu sais bien que les flics ont arrêté l'ambassadeur saoudien à Londres... Non, en France, je ne risque rien! Impossible... C'est ce que tu crois, mon gros, pensa Anna. -Je peux t'obtenir des informations sur la politique d'exportation pétrolière qui sera lancée dans deux mois. Mon tarif habituel. Je veux l'argent dès que possible. Je te rappellerai. Ca ira? Claude Martin raccrocha, sans doute après avoir obtenu une réponse. Anna se dépêcha de poser son sac et de retrouver Marina.
Vers vingt-deux heures, les deux filles envisagèrent d'aller se coucher. Anna dormait dans la même chambre que Marina: elles discutèrent pendant plus d'une heure avant de s'endormir. Plus exactement, Marina finit par s'endormir et Anna fit semblant de dormir: Claude était encore réveillé et travaillait dans son bureau, et elle voulait savoir ce qu'il faisait. Elle se leva silencieusement, et une fois devant le bureau, colla son oreille contre la porte. Celle-ci était fermée, et seul un rayon de lumière par en-dessous trahissait la présence de sa cible. *** |
Dossier Agent: Clara Keller Age: 13 ans T-shirt: Gris
| Dana Adams Age : 25 Messages : 602
| Lun 20 Fév 2012 - 4:07 | |
| Génial ! J'adore le "tu crois ça mon gros ?" PS: décidément, j'ai lancé la mode du codage ! ^^' Mais moi je soigne mon orthographe ! x) |
Dossier Agent: Prénom + Nom Age: X ans T-shirt:
| Emilie Age : 24 Messages : 1604
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Dossier Agent: Age: T-shirt: Gris
| Fauve Age : 25 Messages : 1690
| | Nyx Age : 25 Messages : 1078
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Dossier Agent: Prénom + Nom Age: X ans T-shirt:
| Fauve Age : 25 Messages : 1690
| | Hey Age : 25 Messages : 7308
| Sam 21 Avr 2012 - 4:23 | |
| Bon, j'ai enfin eu le temps de ce qui me semblait être une super fan fic, et je suis pas déçu, c'est génial, les personnages ont des caractères bien tissés et c'est écrit très bien. Juste un truc, on s'y perd avec les Kelly et les Kerry. Ps : Et évidemment Leo est un bord**que qui a redoublé le programme d'entraînement et frolé l'exclusion plusieurs fois. xD |
Dossier Agent: Léo Medsher Age: 11 ans T-shirt: Gris
| Clémy Age : 25 Messages : 232
| Dim 17 Juin 2012 - 20:05 | |
| C'est topisime, meme avec 40 de fievre et un mal de crane j'ai pas pus laché cette fic et c'est dire , la suite stp !!!!!!!!!!! |
| Nicolas Stiwuart Age : 23 Messages : 169
| | Dalis 101 Age : 23 Messages : 16
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Dossier Agent: Dalis Adams Age: 14 ans T-shirt: Bleu marine
| | Mer 8 Aoû 2012 - 13:17 | |
| Bonsoir Je suis tombé sur ce topic il y a a peine... heuu j'ai même pas regardé l'heure tellement j'étais absorbé dans la lecture alors bon xD Mais je dois dire que c'est une excellente histoire, dont j'aimerais bien connaitre la suite même si je me doute qu'il y en aura pas (Ce qui serait bien dommage ^^). J'ai néanmoins une réputation de vilain garçon a tenir et je me dois donc de te faire part des quelques erreurs que j'ai pu relever. ^^ Tout d’abord, dans ton post du 2 Janvier (Soit le troisième post de RP sur la première page) j'ai relevé une petite erreur de frappe: - Citation :
- -C'est bizarre, relva Kerry, tu es sûre d'avoir fait le bon numéro, avec l'indicatif de l'Angleterre devant?
Oui j’admets cette remarque la est plus pour faire mon dérangeant qu'autre chose xD Ensuite, j'ai relevé une incohérence en ce qui concerne un des personnages. Dans le chapitre "Recrutement", Anna doit passer le parcours dans les arbres sous la supervision d'une jeune asiatique de 18 ans nommée Kerry, qui est apparament nul autre que Kerry Chang. (Surtout quand on voit l'allusion au copain de cette Kerry qui est toute digne de James ^^) Ensuite, vers la fin du chapitre "Retour au Campus", Anna rencontre une nouvelle Kerry, je cite: - Citation :
- Kelly l'attendait en compagnie d'une jeune femme asiatique d'une vingtaine d'années.
-Salut, je suis Kerry, lui sourit celle-ci quand Anna s'assit à leur table. Tu es Anna, je suppose? Kelly hocha la tête à sa place. Donc l'incohérence est que la même Kerry Chang qui est supposée connaitre Anna et qui est supposée avoir 18 ans est devenue une Kerry Chang de 20 ans qui ne connait même pas Anna. Mis à part ça lors de ma lecture je n'ai détecté aucune autre faute d'aucune sorte, et j'ai grandement apprécié. En espérant que tu te remettra un jour à l'écriture, et bonne fin de nuit Seth, Enquiquineur québécois de service ^^ |
| Tic77 Age : 25 Messages : 615
| Sam 8 Sep 2012 - 8:22 | |
| super !! j'adooore j'ai pas reussi a la lacher c'est génial vivement la suite :_/\: |
| Heyta Age : 24 Messages : 98
| Ven 21 Sep 2012 - 6:40 | |
| Waw Bravo c'est super ! *J'ai pas finit de lire mais bon ....* Continue comme ca j'adore |
Dossier Agent: Simca Smith Age: 11 ans T-shirt: Gris
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Anna, la recrue
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